Touristes d'origine vietnamienne au Vietnam : attention aux extorsions de fonds sous couverture légale

Une nouvelle de l'AFP du 22/8 fait état de l'inquiétude de l'association du Foyer Notre Dame au sujet du sort d'un Français d'origine vietnamienne, domicilié à Strasbourg, M. Lê Van Thuong, retenu au Vietnam depuis la fin juillet. Selon l'association, le 20 juillet dernier, M. Lê Van Thuong est parti au Vietnam avec sa femme et ses trois enfants pour y passer ses vacances. Six jours après son arrivée, il a été convoqué au commissariat où on lui a confisqué son passeport en raison d'"une plainte déposée" par un quidam. Alors que son passeport expire le 20 août, il ne peut quitter le Vietnam faute de papiers, alors que sa femme et ses enfants ont pu regagner la France à la date prévue du 17 août. Le consulat de France à Saigon, saisi de l'affaire, n'est parvenu à aucun résultat positif.

L'information, telle qu'elle est présentée par l'AFP, laisse perplexe le lecteur qui se demande ce qu'a pu faire ce touriste pour s'attirer des ennuis avec la police locale. De façon fort appropriée, des rumeurs et surtout une longue lettre ouverte d'un Australien d'origine vietnamienne, M. Nguyên Phong Nhân, dont le cas présente une troublante analogie avec celui de M. Lê Van Thuong, laissent à penser que ce dernier serait victime, comme M. Nhân, d'un racket de la part de la police locale.

Revenu au Vietnam pour visiter sa famille à Vinh Long (Sud-Vietnam) en août 93, M. Nguyên Phong Nhân fut aussi convoqué quelque temps après son arrivée par la police locale qui lui confisqua son passeport ainsi que d'autres papiers officiels sous prétexte d'une plainte déposée contre lui. Le plaignant était un soi-disant créancier soucieux de réclamer son dû, à savoir une dette de 5 taels d'or auxquels doivent s'ajouter 5 autres taels d'intérêts composés (5000 dollars) que l'intéressé aurait contractée avant son départ du Vietnam. Le hic était que M. Nhân n'avait jamais connu ni entendu parler de cette personne avant sa confrontation avec elle dans le bureau du commissaire lequel semblait manifestement de mèche avec elle. Naturellement, le plaignant ne pouvait fournir aucune preuve écrite d'une telle dette, mais avait pour confirmer ses dires deux "témoins" complètement inconnus eux-aussi de l'intéressé. Aux dénégations de M.Nhân, le commissaire et ses complices répondirent par la menace de le traduire devant la justice pour avoir osé accuser "la loi socialiste d'être la protectrice des calomniateurs" et montrer ainsi du "mépris pour le Parti et l'Etat", bref de s'être comporté en "criminel réactionnaire". Pour récupérer ses papiers et éviter des avanies plus graves de la part d'une police corrompue, M. Nhân dut battre le rappel de tous ses proches afin de rassembler l'argent nécessaire à la "rançon". L'affaire terminée, il repartit aussitôt pour l'Australie, jurant de ne plus jamais remettre les pieds au Vietnam tant que le régime n'est pas tombé, et de retour chez lui rédigea son témoignage à l'attention de tous les Vietnamiens d'Outre-mer, témoignage dont nous venons de faire un bref compte-rendu.

Alors que le salaire moyen d'un citoyen vietnamien ne dépasse pas 50 USD, l'aisance apparente des ex boat-people -- toujours considérés par l'opinion comme des fuyards --, retournés au pays en tant que touristes étrangers (forcément) nantis excite naturellement jalousie et convoitise. En conséquence, vols et arnaques à leur encontre sont monnaie courante mais gardaient jusqu'à récemment un caractère privé. Depuis quelque temps, mafiocratie aidant, c'est le pouvoir public, par l'intermédiaire de ses agents attitrés, qui se livre à des extorsions légales des fonds. Certes, les premiers visés sont les étrangers d'origine vietnamienne à la fois haïs et courtisés, mais les autres étrangers sont aussi menacés par la pieuvre capitalo-communiste et ce n'est pas l'empressement de leurs pays à séduire le régime qui les protègera.

9/1994

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