Tempête financière

Aux Français rendus euphoriques par la victoire au Mondial et le soleil des vacances, la rentrée risque de porter un rude coup de semonce. Les contrecoups de la tempête qui vient de balayer l'économie de la Russie après avoir sapé celle des pays asiatiques, avant de s'attaquer à l'Amérique du Sud en attendant de frapper à leur porte s'annoncent avec la chute des bourses occidentales et le début de la récession aux Etats-Unis.

Alors que la crise économique à l'Est perdure depuis une année et va s'amplifiant, entraînant la chute des prix des matières premières et des difficultés patentes chez les pays producteurs (autant chez les puissamment développés comme le Canada et la Norvège que chez les "émergents" comme le Vénézuéla et la Russie), experts et gouvernants occidentaux abreuvent les media de leurs discours lénifiants sur le caractère local de la crise et son peu d'impact sur le monde occidental. Ces grands optimistes (en apparence, du moins), pourtant apôtres de la mondialisation, semblent ne reconnaître l'interdépendance qu'à sens unique, celle des pays pauvres envers les pays riches, source de capitaux et de technologie. Mais l'inverse ? Quelle blague, comme si un moustique pouvait incommoder un éléphant!

Cependant, ces énormes prêts et investissements en pure perte faute d'emprunteurs solvables et de marchés réels, ces troubles multipliés dus à la gabegie et à la misère autour des points stratégiques, cet enfoncement sans fin des trois quarts de la population mondiale dans le désespoir et le dénuement le plus complet, qui peut sincèrement les croire sans influence fatale sur le confort matériel et moral de l'enclave occidentale ? Cela n'empêche, les responsables européens et américains affichent la plus grande confiance dans la santé de leur propre économie avec une croissance toujours prévue à la hausse, certains se réjouissant même de la fuite dans leur pays des capitaux baladeurs alors que cette désertion ne fait qu' aggraver le marasme chez les autres.

Certes, la débandade financière dans les pays "émergents" est surtout imputée à la mauvaise gestion de leurs gouvernements sur fond de corruption et de carence institutionnelle, mais lourde aussi a été la responsabilité des occidentaux rigides dans leurs analyses (telles les vertus enrichissantes de l'infaillible marché) et intéressés dans leurs interventions (dont les fourvoiements du FMI sont la preuve flagrante). Leur plus grande et toujours persistante bévue étant l'acoquinement avec des régimes dictatoriaux et vénaux avec lesquels il est plus facile de signer des contrats inégaux et fructueux qu’ avec des régimes libres dotés d'une opposition éclairée. Et dire que cette connivence avec des dictateurs générateurs du chaos actuel a toujours été menée au nom de la"stabilité" !

Pour s'être abstenus d'aider les autres à jouir des mêmes droits qu'eux et pour avoir contribué à leurs assujettissement et malheur, les Occidentaux sont partie prenante de la débâcle actuelle aux conséquences de laquelle ils ne peuvent échapper. A moins de se résoudre à vivre en enclos protégé et à s'entourer d'immenses barbelés pour contrer une immigration massive pour cause de ruine généralisée, Européens et Américains seront obligés de s'investir pour juguler la crise quitte à devoir réviser leurs politiques et leur mode de vie. Sur le moment, leurs dirigeants préfèrent opter pour la fuite en avant puisque, nonobstant les problèmes de morale et d'écologie, le mot d'ordre pour arrêter la tempête à leurs frontières et d'éviter la panique financière est le : "citoyens, consommez plus" c'est-à-dire devenez tous gaspilleurs et obèses pour que tourne la machine industrielle malgré l'effondrement des marchés et échanges extérieurs.

8/2/1999

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