Quand l'UE fait de l'agit-prop

Tous ceux qui sont allés visiter l'exposition "le Vietnam au XXè siècle (1925-1998), qui se déroule actuellement à Bruxelles, dans l'espoir de découvrir un vaste panorama de la peinture vietnamienne, à l'instar de la belle rétrospective intitulée "Paris-Hanoi-Saigon" organisée en mai dernier au Pavillon des arts à Paris, sont obligés non seulement de déchanter, tant les œuvres présentées sont inégales et d'un niveau moindre, mais encore de se sentir floués car, sous couvert d'une manifestation culturelle, les organisateurs ont en fait monté une véritable entreprise de propagande à la gloire du parti communiste vietnamien.

Rien que la grande banderole rouge affublée du slogan "Longue vie au parti communiste vietnamien" tendue dans une salle prouve qu'il ne s'agit pas ici d'une exposition culturelle normale. Hormis une minorité de toiles à sujet neutre, plus de la moitié des oeuvres exposées se rapportent aux actions du Parti et de son armée, avec des dizaines de portraits de l'oncle Hô. Chaque salle est même équipée d'un appareil vidéo chantant les hauts faits de l'armée, le clou étant une maquette illuminée de la bataille de Diên Biên Phu.

Du point de vue artistique, à part une cinquantaine d'oeuvres vraiment remarquables, les tableaux choisis sont plutôt conjugués sur le mode mineur. D'ailleurs, on se demande à quel critère autre que politique obéit ce choix, étant donnés les lacunes et le déséquilibre qui le caractérisent : peu de tableaux de la première époque des Beaux-arts (d'avant le Parti), période contemporaine réduite surtout aux abstraits alors que des peintres novateurs axés sur l'expressionnisme figuratif et l'hyperréalisme sont quasiment ignorés, insistance sur les années de guérilla, hommage appuyé au collectionneur Ðuc Minh (prêteur, il est vrai, d'une partie des meilleurs tableaux) et à au peintre Bui Xuân Phái (dont le talent est certes indiscutable, mais pourquoi le privilégier avec une quarantaine d'œuvres alors que d'autres aussi méritants sont peu ou nullement représentés)...

On peut très bien comprendre qu'une exposition officielle fasse la part belle au gouvernement en place et passer aussi sur le déni complet de la floraison artistique sous ses adversaires (français puis sud-vietnamien), mais la propagande martelée le long de salles entières pour une vision déformée du Vietnam, orientée dans la glorification du Parti finit par créer un malaise même chez les sympathisants du communisme. Ce sentiment devient colère de s'être fait piéger si le visiteur est venu de loin sur la foi des prospectus et catalogues vantant l'exposition comme la plus importante jamais vue sur les beaux-arts vietnamiens, dont l'illustre parrainage par l'Union européenne devrait garantir la haute tenue .

Le mensonge étant élevé par le Parti au rang des beaux-arts, tromper son monde et transformer une manifestation culturelle en auto-célébration du régime n'étonne guère de la part de Hanoi. Mais que l'Union européenne s'associe à une telle duperie dépasse l'entendement. Est-ce par naïveté ou incompétence que les commissaires européens ont laissé leurs homologues vietnamiens agir à leur guise sous prétexte de "respecter le point de vue vietnamien" ? Comment l'Union européenne et le Ministère de la Communauté française de Belgique ont-ils pu se faire champions de l'agit-prop avec l'argent du contribuable en finançant une opération de propagande à la gloire d'une dictature décriée?

16/11/1998

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