La nouvelle de l’attribution du Grand prix de la francophonie pour l’ensemble
de son œuvre à Nguyên Khac Viên, le directeur de la collection « Etudes
vietnamiennes », lequel n’est pas une revue d’études
comme son nom semble l’indiquer mais une série de fascicules à la
gloire du Parti sous alibi plus ou moins culturel, a surpris tous les Vietnamiens
de France, y compris nombre d’ex-camarades patentés, tant l’œuvre écrite
de cet auteur est à la fois mince et peu recommandable, car relevant
surtout de la plus plate propagande communiste. Consternés, les Vietnamiens
s’interrogent sur motivation des vénérables académiciens
du Quai Conti : « Ont-ils fait un cauchemar collectif et confondu le
Quai Conti avec la place du Colonel Fabien puis la francophonie avec la stalinophilie,
ou ont-ils été bonnement induits en erreur par les agents de
l’ambassade du Vietnam, à moins qu’ils aient seulement subi
l’aimable pression du Quai d’Orsay désireux de se concilier
les bonnes grâces de Hanoï pour une meilleure pénétration
des entreprises françaises au Vietnam ? »
Bien qu’il soit directeur des Etudes vietnamiennes, Nguyên Khac Viên n’est ni un littéraire ni un spécialiste en sciences humaines. Ses écrits sont d’ordre politique, sauf quelques articles sur des sujets culturels où il arrive toujours à glisser des considérations partisanes chères à son cœur. Jusque dans les années 80, sous sa plume fleurissent des termes du genre « impérialisme, fantoche, néo-colonialisme… ». Jugez par vous-mêmes l’esprit et le style du nouveau lauréat de l’Académie française sur cet extrait de son article intitulé « Une progression malaisée mais irréversible » publié dans Etudes vietnamiennes, n° 58, 1979, p.15-16, où il justifie et idéalise les camps de « rééducation » où ont souffert et souffrent encore des milliers de Vietnamiens dont le seul crime est d’avoir été du côté des vaincus ou de ne pas approuver le communisme :
« La politique du gouvernement révolutionnaire consistait à considérer que beaucoup d’entre eux (i.e. soldats, policiers, agents politiques, fonctionnaires de l’ancien régime), maintenant que la situation a entièrement changé, pourraient après un temps plus ou moins long de rééducation, prendre conscience de leurs erreurs passées, et redevenir des citoyens honnêtes. Des camps de rééducation furent donc ouverts où ces hommes, tout en effectuant des travaux manuels destinés à couvrir une partie de leurs besoins en nourriture, suivent des cours politiques, participent à des discussions, repassent en vue leurs actes passés. En combinant l’observation de leur comportement à une enquête précise sur leurs agissements passés, on arrive peu à peu à reconnaître ceux qui ont changé, à les distinguer des contre-révolutionnaires, des criminels endurcis. La vie dans ces camps est certes moins confortable que dans les villas à air conditionné où logeaient ces anciens officiers, mais là où ils ont l’occasion d’être réhabilités, de réintégrer la communauté nationale comme des citoyens ordinaires, au lieu de garder toute leur vie l’étiquette infamante « officiers » à la solde des Américains. Après trois ans, la majeure partie de ces hommes a été libérée, seuls sont retenus ceux qui persistent dans leur attitude contre-révolutionnaire, et pourraient se montrer dangereux. »
Certes, ayant fait des études en France Nguyên Khac Viên manie le français avec facilité, mais savoir écrire (plus ou moins) correctement le français suffit-il pour mériter une distinction spéciale de l’Académie française ? Si oui, de milliers de plumitifs francophones hors de l’hexagone devraient être couronnés et un prix par jour n’y suffirait pas. Peut-être l’Académie ne veut-elle distinguer en Nguyên Khac Viên que le directeur d’une publication écrite en français ? Mais dans ce cas, pourquoi n’élit-elle pas les directeurs des diverses séries éditées en français par les services de propagande d’autres pays comme la Corée du Nord ou la Chine, autrement plus soignées et plus volumineuses ? Qu’un prix de l’Académie honore donc le leader respecté et bien-aimé Kim Il Sung, à la fois auteur et éditeur des intéressantes « Œuvres choisies » dûment reliées en une dizaine de volumes épais !
Il est difficile de comprendre pourquoi les Immortels, fleurons de l’intelligentsia française, tiennent en haute estime un personnage aussi douteux que M. Nguyên Khac Viên, apparatchik notoire, toujours stalinien et sectaire malgré un récent vernis démocratique, adepte même du nazisme dans sa jeunesse (voir doc. ci-contre), dénué d’assez de talent littéraire ou scientifique pour faire oublier son triste rôle de chantre officiel du régime. Erreur ou considération politique, l’Académie française peut-elle lever le voile sur le mystère de sa stupéfiante décision ? Mais se peut-il, en fin de compte, qu’à travers M. Nguyên Khac Viên, les académiciens aient tout simplement tenté de sauver les idéologies du déclin en donnant des lettres de noblesse à la langue de bois dans laquelle la compétence de M. Nguyên Khac Viên est tout à fait indéniable ?
M. Viên, dans sa revue Nam-Viêt, glorifiait le nazisme
En couronnant Nguyên Khac Viên, l’Académie française
sait-elle qu’elle tresse des lauriers non seulement à un stalinien
notoire mais aussi à un thuriféraire de la pensée nazi
?
Ce peu reluisant péché de jeunesse, Nguyên Khac Viên espère bien l’avoir enterré, mais les documents sont là pour en témoigner. Emballé par l’idéologie nazi alors qu’il vivait en France sous l’occupation allemande, notre auteur se mit au service de sa propagande auprès des Vietnamiens. C’est dans la revue Nam-Viêt (Vietnam), publiée à Paris par ses soins en 1944 qu’il glorifiait la doctrine du national socialisme. Comme preuve, nous donnons ici la traduction d’un extrait de son article « Vì dâu » (Pourquoi) où, après avoir critiqué les régimes démocratiques, N.K. Viên fait l’éloge des : « régimes de dictature totale (nazisme). Dictature veut dire concentrer tous les pouvoirs en un seul homme assez talentueux pour décider par lui-même, sans avoir des Parlements pour lui mettre des bâtons dans les roues, pouvoir-total signifie que l’individu n’a pas le pouvoir de discuter les ordres du gouvernement. Surtout en matière d’économie, les particuliers doivent obéir aux ordres du gouvernement, l’économie sera dirigée par le gouvernement. C’est seulement s’il consent à cette dictature que le peuple pourra éviter les divisions anarchiques des classes, qu’il pourra construire une société juste et ordonnée. »
Après la chute du nazisme, Nguyên Khac Viên se convertit au communisme dont il devint l’un des plus ardents apologistes. Partisan de la ligne stalinienne la plus dure, il a toujours trouvé le moyen de justifier les pires exactions du régime communiste. On peut se faire une idée de son dogmatisme avec l’extrait sur les camps de concentration cité dans l’éditorial de notre journal.
En passant du nazisme au communisme, Nguyên Khac Viên n’est resté en fait que fidèle à lui-même, intellectuel dévoyé fasciné par le pouvoir totalitaire. Depuis peu, forcé par les événements de l’Europe de l’Est, il s’est brusquement transformé en réformateur et démocrate, mais ses idées démocratiques doivent plutôt se comprendre dans le sens d’une démocratie populaire, comme on peut le constater dans la traduction de sa profession de foi exposée dans son dernier ouvrage écrit en collaboration avec Lê Diên (« Ces quinze années là, 1975-1990 », Hochiminhville, Ed. municipale, p.136-137). Après avoir reconnu les nécessités d’un changement démocratique pour sauver le régime, Nguyên Khac Viên proclame : « Plus que jamais, l’idéal socialiste, l’idéal communiste devient le flambeau éclairant la marche de l’humanité sur le point d’aborder un nouveau siècle avec on ne sait combien d’espoirs, combien de garanties pour le bien-être de tous à la portée de la main... » Si par malheur, « les pays socialistes ne réussissent pas », la faute revient essentiellement à « l’impérialisme » et surtout « aux forces de destruction entravant la révolution sises à l’intérieur même de la société ».
Le Grand prix de la francophonie étant en principe destiné à récompenser un esprit humaniste, devons-nous comprendre que pour les académiciens est humaniste un nazi et un stalinien non repenti ?
Une question d’honneur et de dignité
Au moment où la communauté vietnamienne de France s’indigne
de l’attribution du Grand prix de la francophonie à Nguyên Khac
Viên, zélateur inconditionnel du nazisme (information révélée
par Tin Tuc de décembre et reprise par plusieurs journaux français
dont le Canard enchaîné) puis du stalinisme pendant près
d’un demi-siècle, converti seulement depuis quelques années
aux idées démocratiques (avec beaucoup d’autoritarisme)
par la force des choses, paraît dans « Le Monde »du 31 décembre
1992 sous la signature d’Alain Dugrand un article mi-figue mi-raisin
sur cet intellectuel dévoyé mais coqueluche de l’intelligentsia
française, séduite par ses manières cauteleuses (affables
pour ses supporters), qu’il « roule aisément dans la farine » comme
ce fut le cas d’Alain Decaux, principal responsable du scandale selon
la révélation du « Canard enchaîné » du
9 décembre 1992.
A la lecture de l’article intitulé « Les dettes d’un francophone » d’Alain Dugrand, on n’arrive pas à savoir s’il veut éreinter ou louer Nguyên Khac Viên, s’il juge bien fondée ou non la stupéfiante décision de l’Académie française, tant l’auteur se montre ambigu dans sa pensée. A-t-il voulu, sous couvert d’impartialité, prendre la défense de l’Académie en dédouanant habilement Nguyên KhacViên de ses prises de position outrancières, ou s’est-il senti obligé de donner le change aux belles âmes gauchistes du journal « Le Monde » pour pouvoir y publier une charge contre le lauréat vietnamien ? Quoiqu’il en soit, son article appelle une mise au point nécessaire.
Le passé nazi de Nguyên Khac Viên ? Alain Dugrand non seulement confirme nos allégations mais en rajoute : Nguyên Khac Viên tenta même de faire passer des étudiants en Allemagne hitlérienne. Seulement l’auteur oublie de mentionner (ou ignore) que ces étudiants (au nombre de 300), Nguyên Khac Viên comptait les y faire engager comme S.S. ! Ce qui intrigue ses lecteurs, c’est cette sorte de plaidoirie (ironique ?) pour une meilleure compréhension du pauvre étudiant tuberculeux dont le péché s’expliquait par un excès de nationalisme. Il faut vouloir se moquer du monde pour tenter de faire passer comme un héros de Jules Vallès ce rejeton d’une famille richissime (par rapport à une famille vietnamienne moyenne) assez aisée pour lui payer des longues études à l’étranger. Quant à excuser les agissements pro-nazis du personnage par son nationalisme,,c’est ne pas tenir compte du fait que Nguyên khac Viên ne prônait pas simplement une alliance tactique avec l'Allemagne nazie pour contrer la France colonisatrice, mais manifestait son entière adhésion à l’idéologie nazie, au point de s’en faire le propagandiste même après le débarquement des Alliés, alors que la débâcle allemande se dessinait. Et c’est insulter la mémoire d’authentiques patriotes comme Phan Bôi Châu ou Trân Trong Kim que de comparer la ferveur nazie aveugle de Nguyên Khac Viên avec leur nippophilie dénuée de toute soumission idéologique, causée uniquement par l’espoir soulevé par la victoire du petit Japon asiatique sur la puissante Russie européenne.
Le stalinisme de Nguyên Khac Viên ? Là encore, Alain Dugrand confirme toutes les assertions à ce sujet, seulement à son avis (caustique ?) c’est certes « un triste itinéraire, mais conforme à la mode ». Rendons alors hommage à tous les intellectuels, Vietnamiens ou autres, ayant su rester réfractaires à cette mode funeste malgré les quolibets et injures des happy « in », complices de mensonges et de crimes immondes.
A partir de 1981, Nguyên Khac Viên décide de retourner sa veste. Le nazi puis communiste ultra orthodoxe qui n’a cessé jusqu’alors d’invectiver la démocratie comme synonyme d’anarchie et de décadence occidentale, se met à prêcher pluralisme et élections libres. Tout en constatant dans la volte face du personnage un virage opportun lui permettant de rester dans le coup face aux bouleversements politiques à travers le monde, Alain Dugrand semble heureux de saluer la transformation de l’apparatchik présenté désormais comme une belle figure de l’opposition (à un régime dont il reste toutefois un pilier !). Contrairement à l’affirmation (goguenarde ?) d’Alain Dugrand, les premiers propos dissidents (en fait de timides réserves au sujet de la reprise des relations avec la Chine au sortir de la guerre sino-vietnamienne et de la nécessité de punir les coupables de malversation) de Monsieur Vi?n, contenus dans sa lettre adressée en 1981 à l’Assemblée nationale vietnamienne, ne tombaient pas comme « un coup de tonnerre » sur les Vietnamiens ébahis mais étaient perçus comme l’expression du dépit d’un nomenklaturiste tombé provisoirement en disgrâce. En tout état de cause, les déclarations changeantes de Nguyên Khac Viên (et consorts) ont toujours été prises par les Vietnamiens (du Vietnam et à l’étranger) comme des révélateurs de la lutte des factions à l’intérieur du Parti. Avant d’encenser en Nguyên Khac Viên un nouveau démocrate, on doit savoir qu’il n’a jamais renié ses actions passées en faveur des pires régimes de l’histoire, et qu’à l’instar de Georges Marchais, il ne met nullement en cause le communisme, considéré toujours comme « le flambeau de l’humanité », mais seulement les moyens de le perpétuer.
A supposer que Nguyên Khac Viên , pris de remords pour ses erreurs passées, s’engage sincèrement dans la lutte pour la démocratie au Vietnam et se dévoue désormais à des œuvres charitables pour se racheter, compte tenu de tout le mal qu’il a fait, directement et indirectement, on peut tout au plus en prendre note et suivre sa reconversion avec sympathie, mais absolument pas en faire une image d’Epinal, comme semble le faire Alain Dugrand à la fin de son article. Mais lorsqu’un loup devient mouton, comment les autres moutons peuvent-ils ne pas se méfier ? Et le fait d’être devenu mouton efface-t-il le passé de loup ? La majorité des Français ne le pensent pas puisqu’elle veut juger Paul Touvier malgré ses quarante ans passés dans l’ombre d’une abbaye. Alain Dugrand paraît porter au crédit de Nguyên Khac Viên le fait qu’il a été « interviewé par les journaux les plus prestigieux ». Argument bien étonnant qui laisse soupçonner l’humour noir de l’auteur, quand on sait que pour un scoop ou pour meubler leurs pages, toutes les media du monde font volontiers la queue pour obtenir un entretien avec n’importe quel personnage médiatique, fût-il (et surtout s’il est) le plus infect des criminels.
Admiratif devant la culture supposée de Nguyên Khac Viên, Alain Dugrand plaide (sincèrement ou par sarcasme) pour qu’on laisse ce familier des grands auteurs français achever sa vie « dans l’honneur et la dignité ». Tout d’abord cette familiarité avec les auteurs français n’a rien d’extraordinaire étant donné que tous les intellectuels ou diplômés vietnamiens de plus de soixante ans ont été formés dans les écoles françaises pour cause de colonisation française. Au Cambodge, Pol Pot et Khiêu Sampan citaient aussi Jean-Jacques Rousseau et Jean-Paul Sartre ; leurs crimes en sont-ils plus défendables ? Ensuite, personne ne songe à empêcher Monsieur Vi?n de terminer sa vie comme il l’entend, et s’il a encore le sens de l’honneur et de la dignité, grand bien lui fasse !
Dans le scandale du prix de la francophonie, le problème ne concerne pas l’honneur de Monsieur Nguyên Khac Viên qui semble d’ailleurs en faire peu de cas, vu tous les mensonges et toutes les compromissions dans lesquels il se complaisait, mais les honneurs dont l’Académie française s’obstine à le combler au mépris de la raison et de la justice. S’il existe une question d’honneur et de dignité, elle doit se poser du côté de l’Académie française, car en couronnant Nguyên Khac Viên, personnage peu reluisant et sans talent exceptionnel, l’Académie a porté préjudice à son propre honneur et à sa propre dignité. Que Monsieur Viên ait des dettes à payer, ce n’est pas à l’Académie de l’aider à s’en acquitter (avec un prix faramineux – 400 000 francs – pour la norme vietnamienne). Quant aux dettes de la France envers le Vietnam, si l’Académie voulait participer à leur remboursement, c’est plutôt chez les francophones victimes de l’oppression et non parmi les francophones complices des bourreaux qu’elle aurait dû chercher le (la) bénéficiaire de ses libéralités.
Honte et déshonneur à l'Académie française !
L'académicien Maurice Druon pris en flagrant délit de mensonge
Si l'Académie française avait reconnu être induite en erreur
ou avoir subi des pressions dans le couronnement du nazi et stalinien Nguyên
Khac Viên, sa regrettable décision aurait pu être excusée,
mais en persévérant dans la défense du personnage par
l'intermédiaire de Maurice Druon, elle n'a fait qu'étaler sa
mauvaise foi et entacher fortement son honneur. A cet égard, la réponse
truffée de mensonges de l'académicien Maurice Druon, adressée à une
particulière indignée, peut être considérée
comme un petit chef d'œuvre d'ignominie.
N'étant pas dans le secret des dieux, nous n'avons pas à contester les renseignements donnés par Monsieur Druon sur les dessous du choix de Nguyên Khac Viên. Nous ne pouvons qu'en prendre note tout en exprimant quelques doutes à ce sujet : Comment le professeur Jacques Ruffié est-il amené à présenter la candidature de M. Viên alors que c'est un scientifique peu au courant de la chose littéraire, surtout celle que pratique l’impétrant? Comment se fait-il qu'une si longue enquête (de trois ans) des services de diplomatiques n'ait pas mis à jour la réelle valeur des écrits de Nguyên Khac Viên et surtout son passé peu glorieux ?
Ce passé, que les Vietnamiens de tous bords connaissent, les Académiciens, et particulièrement Monsieur Druon, feignent obstinément de l'ignorer. La lettre de Maurice Druon, datée du 29 / 12 / 1993, écrite donc bien après la publication des preuves sur les activités nazies et staliniennes de Nguyên Khac Viên dans le journal Tin Tuc du 3/12 et la parution de l'article du Canard enchaîné du 9 / 12, porte témoignage de l'impudence de son auteur quand il y déclare qu'il n'a été fourni, jusqu'à ce jour " d'autres preuves d'actes à reprocher à Monsieur Nguyên Khac Viên que des citations d'écrits de propagande anti-française pendant la guerre d'Indochine". Monsieur Druon sait très bien qu'aucun Vietnamien ne songe à reprocher à M. Viên son anti-colonialisme ; c'est le marxisme obtus de ce dernier, son apologie du crime et de la cruauté pour la plus grande gloire du communisme radieux qui font problème, autant que son nazisme aveugle.
Maurice Druon fait mine de s'étonner que les protestations ne parviennent à l'Académie qu'à partir du 26 / 11. Mais comment les protestataires peuvent-ils agir plus rapidement quand la décision de l'Académie n'a été annoncée que le 29 / 10 et qu'il faut du temps pour propager la nouvelle (à ceux qui ne lisent pas les entrefilets des journaux) et rassembler les documents ? Plus grave encore, et agissant en cela en digne supporter d'un stalinien notoire, Monsieur Druon essaie de discréditer les protestataires en portant des insinuations infamantes sur leur poids et leurs motivations : Ce n'est point un groupe minoritaire de la diaspora vietnamienne qui se sent bafoué par les lauriers décernés à Nguyên Khac Viên, chantre d'un régime honni, mais la majorité du peuple vietnamien écrasé par le joug communiste, et le fait que d'ex-partisans de Hanoi soutiennent les protestataires devrait faire réfléchir Monsieur Druon sur la nature des apparatchiks au pouvoir (dont M. Viên fait toujours partie) et non susciter son sarcasme. Et contrairement à ses supputations, la protestation des Vietnamiens est due à une réaction instinctive et non télécommandée, surtout pas par une faction d'un Parti décrié.
Pour noyer le poisson, Maurice Druon ne cesse de faire état des sentiments douloureux des anciens d'Indochine qui existent certainement, mais qui n'ont aucun rapport avec les mérites et démérites de Nguyên Khac Viên. En quoi l'attribution d'un prix au général Schmitt pour "son beau livre de souvenirs" justifie-t-elle celle du Grand prix de la francophonie au communiste vietnamien ? D'ailleurs, non content de faire l'impasse sur le passé nazi et stalinien du lauréat, Monsieur Druon veut aussi gommer son communisme évident en mettant en avant sa dissidence supposée. Or, de son propre aveu, Nguyên Khac Viên est resté fidèle à ses idées tout en reconnaissant, par la force des choses et sous la pression des événements, la nécessité d'un changement dans la gestion du pays. Et pour autant que l’on sache, il appartient toujours à la nomenklatura du régime.
Quant à l'œuvre en français ou pour le renom du français de Nguyên Khac Viên, il faut être se doter de lunettes bien spéciales pour voir du talent littéraire dans la langue de bois de ses articles politiques et beaucoup de bonne volonté pour considérer son rôle d'hôte officiel chargé d'accueillir les visiteurs occidentaux comme de l'action en faveur du français. La somme de ses écrits (personnels et non collectifs), plutôt mince, comporte peu de textes à caractère vraiment culturel, à part sa traduction peu probante du "Kim Vân Kiêu". Ses autres et nombreuses traductions, tant vantées par Maurice Druon, où l'académicien a-t-il pu les dénicher, tant elles sont introuvables en bibliothèque et ailleurs ? Qu'il nous en donne les références pour notre gouverne ! Monsieur Druon doit avoir une bien piètre opinion d'Amyot pour le comparer à un plumitif comme Nguyên Khac Viên dont le plus haut fait de gloire est d'avoir été à la tête des Editions étrangères, un service de propagande à l'intention des pays occidentaux.
Il est dérisoire enfin que Maurice Druon veuille faire pleurer Margot en insistant sur le bon cœur du docteur Viên, lequel souscrivait sans état d'âme à toutes les folies meurtrières du régime et en rajoutait par ses appels à la juste punition des ."coupables". Que Nguyên Khac Viên déclare vouloir affecter le montant de son prix à un organisme de sa création (dont le caractère soi-disant non gouvernemental émerveille Maurice Druon qui pourtant connaît bien la réalité communiste et sait que toute entreprise d'envergure y est tenue de recevoir la bénédiction du régime et d'en subir le contrôle ) n'est guère significatif ; désormais les 400 000 francs du prix sont à lui et l'usage réel qu'il en fait est son secret. Le problème demeure entier du fait que l'Académie a gâché l'argent du contribuable pour enrichir un personnage peu reluisant.
En voulant justifier à tout prix une bavure monumentale et en confiant cette tâche de blanchiment à Maurice Druon dont la mauvaise foi est flagrante, au vu de l'analyse de sa lettre, l'Académie française ne fait que s'enfoncer dans la honte et le déshonneur. Les collègues de Maurice Druon en sont-ils seulement conscients ? Peut-on espérer que la Dame du quai Conti finisse par trouver assez de courage pour reconnaître son tort et réparer cette offense faite aux victimes du pouvoir communiste que représente la récompense décernée à un complice de leurs bourreaux ?
Février 1993