On se demande jusqu'où va la dictature des "bien-pensants" dans
les démocraties occidentales quand pour une parole "malencontreuse" Glen
Hoddle, l'entraîneur de l'équipe de football d'Angleterre, vient
d'être limogé illico presto. En déclarant que les handicapés
paient pour des péchés commis dans une vie antérieure,
Glen Hoddle s'est mis à dos toutes les puissances médiatiques
et politiques de son pays, Tony Blair et son gouvernement en tête, montées
aussitôt au créneau de la défense des handicapés.
L'avis de Glen Hoddle ne contient pourtant aucune critique malveillante et n'exprime que sa croyance affichée en la métempsycose. N'en déplaise aux nouveaux chasseurs de sorcières, la réincarnation est une notion hautement métaphysique qui n'a rien de bizarre ou d'inconvenant. Toute l'Asie y croit plus ou moins. Le bouddhisme, la religion la plus pacifique de la terre, l'admet. En expliquant le mal et la misère par des fautes commises dans une vie antérieure, les bouddhistes ne clouent nullement au pilori les victimes inconscientes de ces fautes, mais au contraire font appel à notre compassion pour les faibles et les malheureux pour les aider à surmonter leur handicap et à s'éveiller, comme chacun devrait le faire, à la voie du nirvana.
En condamnant Glen Hoddle sans daigner tenir compte de ses explications, ses juges, c'est-à-dire toute la classe médiatico-politique occidentale y compris la française, font preuve à la fois d'intolérance et d'ignorance - l'une n'allant d'ailleurs jamais sans l'autre - envers les doctrines religieuses autres que celles du Livre. Certes, on nous objecte la sensibilité blessée des handicapés, mais en quoi le fait de dire qu'ils paient pour des péchés dans une vie antérieure est-il une injure? Nous disons bien tous dans des moments de découragement, que nous expions pour les fautes de nos pères (ou de nous-mêmes si nous croyons en la réincarnation). La Bible ne nous enseigne-t-elle pas que les souffrances de l'humanité découlent du péché originel ?
Si encore Glen Hoddle exerçait un métier en relation avec des handicapés, on pourrait craindre des heurts éventuels dus à une incompréhension réciproque. Mais il entraîne des footballeurs et s'est jusqu'ici bien acquitté de son travail ! Le démettre de ses fonctions pour un délit d'opinion due à sa croyance relève de la persécution religieuse. Nous croyions les seuls communistes et fascistes adeptes de la tyrannie "bien-pensante". C'est méconnaître le censeur zélé en chacun de nous, susceptible de se muer en fanatique à la poursuite de ceux qui ne partagent pas nos mœurs et nos idées. Nous ne nous méfions pas assez de cette propension universelle à l'intolérance qui est en train de miner les nations démocratiques, non pas par l'action des racistes baveux qui ne forment jamais qu'une minorité, mais par le militantisme même des démocrates imbus de la justesse de leur doctrine.
En cette fin de millénaire où les despotes, toujours courtisés malgré leurs sinistres exploits, ne cessent de faire des émules parmi les démagogues et les illuminés, le lynchage de plus en plus institutionnalisé dans les démocraties occidentales de ceux qui ont le malheur de professer des convictions politiquement incorrectes préfigure des lendemains peu enviables. Quand un pays se met à prétendre combattre une intolérance supposée par une intolérance encore plus grande, n'est-il pas temps pour des esprits indépendants de remettre en question cette politique plus incorrecte que les opinions qu'elle condamne ?
3/2/1999