Octobre rouge

L'intensification de la répression tous azimuts en Chine, sur fond de catastrophes naturelles et humanitaires en divers points du globe, peut se dérouler tranquillement sans risque de choquer l'opinion internationale de plus en plus frileuse et blasée. Dans la foulée de la chasse aux adeptes du Falungong, dont le stupéfiant rassemblement en masse (10.000 selon le chiffre officiel) devant le siège du gouvernement à Pékin le 25 avril dernier fit frémir de crainte les autocrates rouges, le Parti a lancé une vaste campagne de traque et de délation de tout opposant virtuel, avec comme résultat "victorieux" l'arrestation d'une centaine de milliers de présumés mal-pensants.

Pour parfaire cette action d'éclat et célébrer dignement le cinquantième anniversaire de l'avènement du communisme chinois le 1/10 prochain, le Parti procède en cette dernière semaine de septembre à une entreprise de "nettoyage" radical et festif avec l'exécution publique de milliers de prisonniers (tous crimes confondus) par tout le pays. Il n'y a pas que les antiques Romains pour savoir organiser un triomphe!

Loin de s'émouvoir de cette férocité anachronique de la part d'un pays aspirant à l'hégémonie mondiale, les dirigeants mondiaux multiplient les actes d'allégeance envers le régime communiste chinois. Dans une lettre de condoléances au nom de l'ONU pour les récents tremblements de terre à Taiwan , M. Kofi Annan vient de consacrer officiellement l'île "province de la Chine", soutenant ainsi Pékin dans ses revendications territoriales au détriment du gouvernement taiwanais. Cette nouvelle concession, après l'entérinement actif de l'annexion du Tibet par le biais de l'aide internationale au développement des colonies chinoises dans ce pays, en dit long, non pas tant sur l'attachement aux droits de l'homme des décideurs occidentaux sur lequel on sait à quoi s'en tenir, que sur leur sagacité politique.

Depuis l'ouverture des pays communistes il y a plus de 10 ans, personne ne prétend plus que leur développement économique entraînera automatiquement leur libéralisation politique. Les amis occidentaux de ces pays parlent maintenant de réalisme et de relations "constructives", euphémisme pour intéressées mais complaisantes. La morale (car, malgré le cynisme mercantile, on en tient un peu compte, eu égard à l'opinion publique) est sauve cependant, avec la relativisation des valeurs et la menace du chaos en cas de changement brusque de régime tel que le montre le sélectif exemple repoussoir de l'ex-Urss. N'empêche, en fermant les yeux sur les aspects négatifs de ces régimes, pis encore, en flattant l'appétit de pouvoir de leurs dirigeants, alors qu'ils sont les seuls capables de leur faire contrepoids, les Occidentaux confortent ces derniers dans leur impunité pérenne, encouragent leur paranoïa sanguinaire, et par suite leur aventurisme guerrier, néfaste en fin de compte à la bonne marche des affaires (autres que la contrebande).

Quelle image plus hautement symbolique de la nature du régime de Pékin et des futurs troubles se fomentant sous son égide que le sang d'une multitude de suppliciés versé dans des sacrifices propitiatoires en l'honneur de l'octobre rouge chinois !

29/9/1999

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