On a beau connaître le degré d'impudence dont sont capables les communistes vietnamiens, leur culot surprend toujours. Ainsi, c'est avec stupeur mêlée d'indignation que la communauté vietnamienne expatriée a appris récemment que Hanoï, via l'Union centrale des femmes, une des multiples incarnations du parti communiste vietnamien, a demandé à l'Unesco d'inscrire les noms de onze de leurs partisanes parmi les "Femmes mythiques de l'histoire mondiale" que cette vénérable institution veut promouvoir.
Pour faire passer la pilule, Hanoï a pris soin de glisser ces noms dans une liste comprenant 12 autres noms plus ou moins célèbres du panthéon culturel vietnamien. Même si on peut contester le choix de la moitié de ces 12 héroïnes, elles sont au moins connues et reconnues de la population et surtout n'ont causé aucun préjudice à leur pays et leur peuple. On ne peut en dire autant des 11 terroristes et membres du Parti que Hanoï veut encenser par l'entremise de l'Unesco.
L'ironie est que certaines de ces 11 femmes désignées à la renommée internationale sont tout à fait inconnues du grand public, même les œuvres de propagande du Parti les ignorent. Seules deux d'entre elles sont familières du tout venant, non à cause de leurs hauts faits, mais parce qu'elles font l'objet d'une mythification soutenue de la part du Parti qui baptise écoles et rues à leur nom, à savoir Nguyên Thi Minh Khai, une communiste de première heure, maîtresse de surcroit de Hô Chí Minh, et Võ Thi Sáu, une paysanne de 17 ans (simple d'esprit aisément manipulée, aux dires de ses propres sœurs), toutes deux fusillées par les Français pour meurtre et attentat. Deux autres, Nguyên Thi Ðinh et Nguyên Thi Thâp, respectivement générale et présidente de l'Union des femmes, sont des apparatchiks dont la carrière s'est affirmée pendant la guerre contre le Sud-Vietnam. Le reste des femmes, considérées comme révolutionnaires, ne sont guère mentionnées dans les ouvrages du Parti, ou ne le sont qu'en passant, de façon fort succinte.
La longue histoire du Vietnam est jalonnée d'assez de femmes de valeur à admirer pour qu'on n'ait pas à en inventer de toutes pièces. En montant en épingle le rôle de fanatiques dont le grand mérite a été d'avoir tué au nom du Parti, et surtout en mettant ces femmes à égalité avec des souveraines fondatrices du pays comme Âu Co et Trung Nu Vuong ou des poétesses de talent comme Ðoàn Thi Ðiêm et Hô Xuân Huong, Hanoï croit pouvoir ainsi légitimer à bon compte le régime communiste. La ficelle est cependant trop grosse et montre seulement que le Parti se moque du monde, des Vietnamiens dont il piétine les idoles en les abaissant au niveau d'ignorantes terroristes (mais a-t-il jamais une considération quelconque pour eux ?), des femmes dont il bafoue les valeurs en confondant héroïsme et talent avec soumission et aveuglement, et des instances internationales qu'il trompe et abuse sans vergogne.
Espérons que les éminents membres qui composent l'Unesco sauront ne pas donner dans le panneau tendu par Hanoï en refusant de cautionner cette mystification qu'est la mythification de 11 combattantes communistes.
28/10/1998