Monicagate

Il est de bon ton pour les media français de se gausser des dérives de la démocratie américaine à propos du Monicagate et de crier haro sur le procureur Starr coupable de monter en affaire planétaire une histoire de galipettes présidentielles. A lorgner seulement du côté de la braguette, le procès fait à M. Clinton apparaît en effet ridicule et offensant pour les deux parties (si l'on peut dire). Mais du point de vue du fonctionnement de la démocratie, en quoi l'humiliation de M. Clinton et l'acharnement de M. Starr la menacent-ils ?

Bien au contraire, ce cas limite de la mise en examen d'un
président surpuissant pour une peccadille au yeux de l'opinion publique prouve la solidité du système, en tout cas l'esprit démocratique qui règne toujours aux Etats-Unis, le seul pays au monde où les institutions permettent à un juge suffisamment persévérant de poursuivre devant la loi n'importe quel personnage, si haut placé soit-il. En comparaison, quel juge en France aurait les mains libres pour enquêter sur la responsabilité de M. Chirac dans les mécomptes de la mairie de Paris ?

A trop se focaliser sur le côté vie privée de l'affaire, l'on oublie qu'à l'origine, l'investigation de l'équipe Starr se portait sur des délits autrement plus graves du couple Clinton : malversations (Whitewater), abus de pouvoir (Travelgate) et concussion (Asiagate), pour lesquels de fortes présomptions pèsent sur le président et son épouse qui ne peuvent cependant être accusés par manque de preuves solides, d'autant plus que des témoins importants se trouvent décédés opportunément (une vingtaine de morts suspectes dont celle d'un vieil ami du couple, Vince Foster). Que faute de mieux, pour déboulonner un personnage trop puissant, M. Starr le prenne en défaut (parjure) par le biais d'un écart de conduite, pourquoi pas ? Al Capone a bien été mis sous les verrous non pas pour meurtres et extorsions mais pour un vulgaire délit fiscal.

Que l'investigation ait absorbé une somme énorme (40 millions de dollars) pour accoucher apparemment d'une souris ne doit pas faire problème : pour le budget des Etats-Unis cette somme est aisément supportable. L'essentiel est que le procureur ne soit pas sorti de la légalité le long de la procédure. Maintenant qu'il a déposé son rapport, c'est aux représentants du peuple de rendre leur verdict, toujours aux termes stricts de la loi et non en fonction des sondages d'opinion en général versatiles. Certes, il est dommage qu'une rare fois où le monde entier peut assister en direct à la démocratie en action, le motif en soit plutôt frivole, mais ne nous laissons pas obnubiler par cet aspect anecdotique. Sachons saluer l'indépendance de la justice aux Etats-Unis et rêvons au jour où, dans tous les pays, les collègues de M. Starr pourront exercer leur métier avec les mêmes garanties que lui.

26/9/1998

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