Le tigre et son folklore
(Paris, Tu do, 2-3/1986)


Par la masse imposante de leur taille et leur force prodigieuse tout comme leur grande beauté, les félins carnassiers, en particulier le lion et le tigre, suscitent chez l’homme autant l’admiration que la crainte. Dans les temps anciens, le lion peuplait toute l’Afrique, l’Inde et l’Asie mineure, alors que le tigre élisait son domicile dans presque toute l’Asie orientale depuis la Turquie jusqu’en Corée en passant par l’Iran, l’Inde, la Russie orientale, la Mandchourie, la Chine, la Birmanie, la Malaisie, l’Indonésie et l’Indochine. Et, selon la population concernée, c’est tantôt à l’un, tantôt à l’autre, que l’on décerne le titre de roi des animaux.

Est-ce du Moyen-Orient, leur territoire commun, que se sont propagés les mythes identiques qui courent sur eux ? L’analogie entre ces mythes ne procède-t-elle pas plutôt de l’universalité de la structure de l’esprit humain qui, placé dans les mêmes conditions et face aux mêmes faits, raisonne à chaque fois de la même façon ? Toujours est-il que tigre et lion échangent leur personnalité dans les contes et légendes des peuples selon la région impliquée : les mêmes histoires africaines se portant sur la naïveté du lion berné par des animaux plus petits (singe, lièvre) se racontent en Asie au sujet du tigre.

Par son aspect majestueux, le lion était associé très tôt aux dieux dont il incarne la puissance, surtout guerrière. A Sumer, dès le 3e millénaire, Ishtar, « la déesse des batailles, la vaillante parmi les déesses », était représentée le pied droit posé sur un lion ou assise dans un char tiré par des lions. Dans un rêve que fit Goudéa, roi de Lagash (22e siècle av. J. C.), le grand dieu Nin-Girsu se révélait flanqué de deux lions. La déesse de la guerre égyptienne Sekhmet ou « la puissante » (un qualificatif d’Hathor) qui écrasa les hommes révoltés contre Rê avait dans l’iconographie la forme d’une lionne ou d’une femme à tête de lionne. La terrible Durga (autre nom de Parvati, femme de Civa) montait un lion pour aller combattre le démon taureau. Lié aux divinités sidérales, le lion est un animal céleste et lumineux ; en hébreu, le mot ari pour lion signifie aussi feu ; il accompagnait le soleil Shamash ou Nergal babylonien dans sa course journalière.

L’autorité du lion comporte la souveraineté : le lion-soleil brandissant une épée est l’emblème de l’Iran, le lion rampant cramoisi sur champ d’or celui de l’Ecosse. Le Négus, roi des rois éthiopien, se prétendait « lion de Juda » à l’instar du Christ. Les trônes des monarques reposaient sur des lions et le lion faisait partie des quatre animaux entourant le trône de Yahvé. Pour les alchimistes du Moyen-Âge le lion incarnait l’or, le roi des métaux. Le lion tout-puissant a le pouvoir de contenir les démons qui nuisent à la vie et à la santé des hommes : les Assyriens adoraient un génie lion écarteur de maladies et portaient avec eux des amulettes frappées à l’effigie de cette divinité.

La force du lion est ressentie comme signe de bravoure et fait de lui un héros. « Vous êtes mon lion superbe et généreux », lance la Dona Sol hugolienne à Hernani. A lui la protection des endroits sacrés : des lions se dressaient aux portes des villes de l’Antiquité (Mycènes en Grèce), devant les palais (Egypte) ou à l’entrée des tombes (Etrurie).

On voit apparaître ici le côté obscur du lion : sa force brutale sème la mort, et sur les morts il règne donc. On le voit ainsi associé à des divinités chtoniennes comme Hécate et Cybèle. Nergal, le dieu-soleil babylonien, dont le symbole est une tête de lion, était aussi seigneur des enfers par son mariage avec la déesse Ereskigal, « princesse de la grande terre ». Le lion n’est-il pas lui-même un animal crépusculaire qui ne chasse que la nuit tombée, tout comme son cousin le tigre ? Roi des ombres, le lion devient un héros-ancêtre pour de nombreux clans africains : un groupe nilotique, les Dinka, qui croit avoir pour père-fondateur le jumeau d’un lion, nourrit cette bête et parfois partage avec elle sa proie.

Mais les divinités de la terre sont aussi celles de la fertilité : Qadash-Anat, la déesse de la végétation phénicienne avait le lion pour attribut. Comme le taureau, le lion participe aussi au mythe de la résurrection ou de l’éternel recommencement. En Egypte, l’est et l’ouest, les deux pôles de la course du soleil, étaient gardés par deux lions appelés Sef (Hier) et Tuan (Aujourd’hui) que l’on représentait dos à dos. Ce mythe transparaît dans l’allégorie classique du combat entre le lion et le taureau, tous les deux symboles de la force vitale, ou entre le lion et un héros (cas de Gigalmesh, Samson et surtout Héraclès, lequel par sa victoire sur le lion de Némée s’imprègne d’invulnérabilité avec la peau de sa victime). Les chrétiens expriment cette dualité en rapportant la partie supérieure de la bête à la nature divine et sa partie inférieure à la nature humaine.

Lorsque l’allégorie est prise au pied de la lettre et que ressemblance signifie consubstantialité, le symbole devient magique et procure réellement ce qu’il représente : alors des images de l’animal sont apposées partout où on veut l’invoquer pour l’obtention des biens dont il est censé être le dépositaire. Au Moyen-Âge, les Européens croyaient que le cœur du lion donne du courage à celui qui en mange et protège de la foudre la maison où il est enterré ; s’asseoir sur une peau de lion guérirait des hémorroïdes ; les douleurs intestinales disparaîtraient par l’action des métaux estampillés à son image.

En Asie orientale où le lion réel n’existait pas, de nombreuses légendes sur lui devaient courir comme l’atteste le nom sino-vietnamien su tu (shizi – le maître) qui lui est donné, alors que la suprématie du tigre ou hô (hu), étymologiquement « animal à fourrure pouvant se dresser comme un être humain », sur les autres animaux y était incontestablement reconnue . En fait, c’est par le bouddhisme que fut introduit dans le monde sinisé le culte du lion, le Bouddha étant surnommé « le lion des Çakya », le lion symbolisant pour les bouddhistes la toute puissance de la foi. Par suite, il fut pris comme compagnon des bodhisattvas et arhats : par exemple, le bodhisattva Mánjuri (Van Thù, Wénshu), génie de la montagne sacrée Wutaishan (Ngu dài son) dans le Shanxi (Son Tây), haut lieu du lamaïsme mongol, représenté assis sur un lion ; idem pour l’arhat Kala (Già La) qui règne sur le territoire des lions et est identifié au roi lion Kala ou à l’île de Ceylan.

Gardien de la foi et de la connaissance, le lion est considéré aussi comme gardien des richesses et lieux sacrés. Les Vietnamiens l’attachent au génie des maisons et du bonheur Tu Vi (Ziwei) . Il est présent à l’entrée des demeures avec ses yeux proéminents (preuve de sagacité), sa crinière et sa queue frisées qui lui donnent l’air d’un gros toutou (son modèle est d’ailleurs le chien-lion pékinois) que l’image d’une bête féroce. Détail à remarquer, le lion chinois est souvent représenté jouant avec une balle. La légende l’explique par une référence au lait précieux de la lionne que les Chinoises espéraient recueillir dans des balles creuses qu’elles déposaient dans les collines pour attirer les lionnes, très joueuses. Il y a lieu de penser qu’il s’agit ici de la balle, symbole universel de l’astre lumineux (dans ce cas-ci , le soleil) ou du joyau sacré (ici, le joyau de la connaissance parfaite bouddhiste).

En Asie orientale donc, en l’absence du lion, la terreur et la fascination éprouvées pour le félin et tout le folklore qui en découle se concentrent essentiellement sur le tigre. Des régions ibériques au monde malais, nulle part on n’ose l’appeler simplement par son nom. On lui donne du Sire (Ngài), du Grand-père ou de l’Oncle. On lui décerne des titres comme Noble maître (Ðuc thây), Messire général (Quan tuong) ou Altesse (Mê) au Vietnam. On parle de lui par périphrase ou même par antiphrase : en Chine on le désigne par Grand insecte (Dachóng, Ðai trùng) ; au Vietnam, au lieu de demander « Est-ce que le tigre fait des ravages chez vous ? », on dit « Est-ce qu’il y a de la paix chez vous ? », et l’on déclare qu’on est bien portant quand on est malade lorsqu’on se trouve dans les parages du tigre.

A ce propos, nous avons été intrigués par une expression très courante désignant le tigre au Vietnam : Ông ba muoi ou « Monsieur Trente ». Tô Nguyêt Ðình, dans un recueil de contes, remonte cette appellation à l’empereur Gia Long (1802-1840) lequel, en mémoire d’un tigre qui l’avait nourri pendant ses années d’exil à Cây Mít (Bà Ria), lui dédia à son avènement un temple au dit lieu et promulgua un édit interdisant la chasse au tigre sous peine d’amende de 30 quan d’amende par animal tué, et récompensant aussi de 30 quan celui qui présenterait un tigre vivant, les 30 quan expliquant le chiffre 30 accolé au fauve . Outre le fait qu’une telle mesure n’est pas mentionnée dans les Annales des Nguyên pour le début du règne de Gia Long, elle n’entre pas du tout dans l’intérêt de la population auprès de laquelle le tigre fait des ravages, et surtout elle comporte une contradiction interne, à savoir que si la chasse était interdite, il n’y avait pas lieu de récompenser celui qui attrapait le tigre. Il faut se rappeler que le Vietnam était un des pays les plus tigreux de l’Asie, où le tigre était tenu à juste titre par les colons français comme un fléau majeur. Il y avait un siècle, rien que dans la Cochinchine, le tigre faisait au moins une victime par jour, soit environ 500 par an . Et s’il peut exister un rapport entre l’appellation M. Trente et la somme de 30 quan, on peut à la rigueur le chercher dans un édit de l’amiral Charner en 1861 allouant une prime de 30 quan à qui présentera aux autorités une tête de tigre. Quant au temple de Bà Ria, son existence n’a rien d’original : cette province était célèbre par le nombre de ses tigres , et la moindre localité tigreuse se devait consacrer au moins un autel à ce génie. Nous pensons plutôt que le chiffre 30 qui va de pair avec le tigre dérive d’une très ancienne coutume relative au 30e jour du 12e mois lunaire : en cette veille du nouvel an les Chinois et ceux qui subissent leur influence se livrent à une fête d’exorcisme, vestige de la fête Danuò (Ðai Na) du La, célébré le 3e jour du solstice d’hiver durant laquelle le tigre était invoqué comme pourchasseur des démons . Mais bien sûr, la question n’est pas close.

Partout, dès que l’on touche au territoire du tigre, on prend soin de s’en excuser auprès de lui. Comme font les Africains quand ils mettent à mort un être vivant frappé d’interdit, les Vietnamiens et les Malais célèbrent des cérémonies expiatoires quand ils ont tué un tigre. Par peur ou par superstition , on ne s’attaquait au tigre que par nécessité, après de multiples précautions oratoires. Toutes ces observances relèvent de l’esprit religieux primitif qui, par crainte de représailles, pense à se concilier les forces qui l’inquiètent.

Le culte du tigre se perpétue depuis les temps les plus reculés. En Chine, des motifs de tigre ornaient déjà les objets culturels des Shang (2e millénaire av. J.C.). C’était la puissance dévoratrice que l’on évoquait et on en retenait surtout le masque monstrueux et gourmand appelé taotie (thao thiêt) que l’on mettait (et met encore) sur les récipients ou en des endroits bien en vue pour faire peur aux contrevenants comme aux esprits malfaisants. Ce taotie chinois est à rapprocher du tigre des Malais Semang, justicier de Karei, le grand dieu du tonnerre, et chargé de mettre en pièces ceux qui osent encourir sa colère. Dans la cosmogonie chinoise qui s’est élaborée sous les royaumes combattants (6e siècle av. J.C.), le tigre est investi du pouvoir de contrôle sur l’une des cinq régions de l’espace, l’Ouest, auquel d’après la théorie des cinq éléments correspondent l’automne, la couleur blanche et le métal. Il y est opposé au dragon bleu-vert de l’Est, maître du printemps et de l’élément bois .

L’antagonisme du tigre et du dragon, considérés tous les deux comme des symboles de puissance, a donné lieu à tout un ensemble de constructions mystiques. De même que les Malais opposent le tigre, émanation de Civa sur la terre, au crocodile ((équivalent du dragon), son représentant dans le monde aquatique, les Chinois mettent en vis-à-vis le dragon yang, incarnation de la puissance céleste et spirituelle, et le tigre yin mandataire des forces terrestres . Parce que le dragon vole dans les nuages et s’abrite dans les lieux humides, il commande à l’eau ; le tigre qui le complète préside au vent lequel agit sur les nuages et fait tomber la pluie. Les illustrations du tigre à côté d’une cascade ou sous la pluie rappellent cette solidarité des forces naturelles ; celles du tigre sous les bambous aussi, mais de façon plus confuse : le bambou appartient au monde yang mais il ne résiste pas au vent, agent du tigre, qu’il représente pour cette raison . Le couple dragon-tigre prend particulièrement de l’importance dans la géomancie sino-vietnamienne (fengshui, phong thuy) : Un terrain idéal pour construire une maison ou pour enterrer un mort afin que les influences fastes qui s’en dégagent bénéficient aux descendants, leur apportant fortune, honneurs et longévité, doit avoir en même temps la configuration du dragon bleu-vert à l’est et celle du tigre blanc à l’ouest, l’emplacement le plus heureux affectant la forme d’ « fer à cheval dont les extrémités en dedans tendent à s’approcher l’une de l’autre » car figurant les forces cosmiques en interaction . Quand on parle du principe yin en liaison avec le tigre, on ne doit pas perdre de vue le fait que dans la dynamique yin-yang le yin n’est pas incompatible avec des aspects positifs ou solaires du tigre, attribut des divinités célestes. Car le tigre remplace souvent le lion comme compagnon des bodhisattvas, arhats (en particulier le 18e) ou immortels : il sert de monture au grand maître du paradis taoïste Zhang Dào ling (Truong Ðao Lang, 2e siècle av. J.C.) et entoure le Seigneur d’en haut, l’Empereur de Jade. La dualité du tigre se manifeste dans la croyance selon laquelle la frontière entre le Ciel et la Terre, marquée par la porte Changhé (Xuong hap), est traversée par le vent d’ouest (élément et direction appartenant au tigre) . Participant à la fois au monde céleste et terrestre, le tigre est un animal ambigu dont le combat avec le dragon constitue le symbole de la vie sans cesse recommencée, tout comme son combat avec le taureau, autre symbole du printemps et de la fécondité , ou avec un héros représente le renouvellement des saisons et de la végétation, le vainqueur s’appropriant les vertus du vaincu. La vogue du roman chinois « Au bord de l’eau » (Shuihu, Thuy hu) a popularisé dans toute l’Asie de l’est l’image de Wu Song (Võ Tòng), mais aucun folklore national n’est à court d’exploits de héros dompteurs de tigre.

Pour expliquer le coté yang du tigre qui l’étonne, Giran avance l’idée que 2000 ans avant notre ère, la région de l’espace que les Chinois assignent au tigre était inondée de soleil au printemps et correspondait à la constellation du taureau, symbole solaire par excellence. Ajoutons que l’astrologie chinoise donne au tigre le commandement des Mu xing (Môc tinh), astéroïdes autour de Jupiter relevant du principe yang, et que la croyance populaire attribue au tigre un chiffre yang (longueur de 7 pieds, gestation de 7 mois) . Les adeptes du tigre qui font nombre dans le Sud de la Chine et au Vietnam sinisé ne se contentent pas d’une seule région pour leur divinité. Petit à petit s’est édifié le culte des cinq tigres où le tigre accapare l’autorité des autres animaux. La couleur de ces cinq tigres change suivant la direction de leur royaume (ouest-blanc, est-bleu, nord-noir, sud-rouge, centre-jaune), mais des cinq les plus vénérés restent le tigre blanc bai hu (bach hô) et le tigre noir hei hu (hac hô).

La prédilection pour le tigre noir provient du fait qu’il est assimilé au dieu de la guerre Xuanwu (Huyên Vu) ou Zhènwu (Trân Vu) dont l’autel Xuántán (Huyên dàn) comporte neuf autres divinités identifiées aux commandants des neuf armées de l’Empereur céleste décrites comme composées de tigres. Xuántán est parfois confondu avec le général taoïste Zhao Gongming (Triêu Công Minh) dont le tigre était de son vivant la monture. D’après les Chinois, si l’automne est sous l’égide du tigre c’est que c’est la saison la plus propice à la guerre, l’époque où les paysans dégagés des travaux des champs peuvent rejoindre plus facilement les drapeaux. Symbole de la puissance militaire, le tigre se trouve talisman de la victoire et décore tous les équipements ou objets relatifs à la guerre. Car la guerre est cruelle comme son génie le tigre, mais les avantages de la victoire sont considérables. Invulnérable, le dieu de la guerre déroute les démons et esprits malfaisants. Afin de s’assurer sa protection, tous les peuples des régions qu’il infeste lui vouent un culte fervent et utilisent des fétiches de partie de tigre ou à effigie de tigre qui donnent du courage à ceux qui les portent et les protègent du souffle malin : à cet effet, griffes et moustaches de tigre sont spécialement recherchées, bonnets et chaussures d’enfant sont brodés du tigre lequel orne aussi bien les façades des maisons que des boîtes de médicaments.

Doué de forces guerrières, le tigre est de facto élu gardien des portes : les portes des neuf cieux toaïstes sont ainsi gardées par des tigres. Une légende remontant aux Zhou (Chu, 1066-221 av.J.C.) place dans une montagne de l’Est une porte des démons (guimén, qui môn) au-dessus de laquelle veillent deux génies Shén tú (Thân dô) et Yulu (Uât Luât) qui s’emparent des démons qui s’aventurent par là pour les jeter aux tigres. Ces deux génies devenus dieux des portes furent supplantés plus tard dans ces postes par deux généraux de l’empereur Tàizong (Thái Tông 627-650) des Tang, Qin Shubao (Cung Thúc Bao) et Hú Jingdé (Hô Kính Ðuc), honorés pour avoir chassé les cauchemars de l’empereur en montant la garde devant sa chambre. Ils rivalisent avec d’autres héros mythiques préposés à la garde des portes comme les gardiens des temples Na Chi (Na Cha) et son triomphateur Huáng Feihu (Hoàng Phi Hô), le « tigre jaune volant », personnages du roman « L’investiture des dieux » (Féngshén, Phong thân) dont l’action est située à la fin des Shang (fin du 2e millénaire). Sur les battants des portes, de part et d’autre du hall d’entrée ou des deux côtés du mur entourant une porte, les deux divinités des portes veillent, armées jusqu’au cou, mais parfois leur présence est seulement symbolisée par deux tigres.

Gardien des portes de l’enfer, le tigre devient l’agent des ténèbres. Les pécheurs de la 3e région infernale sont jetés en pâture aux tigres, et dans les enterrements traditionnels vietnamiens le cortège funéraire comprenait un tigre grimaçant et dansant. Dumoutier le confond avec l’esprit du mal, symbole des mauvais instincts et des ennemis du bouddhisme, mais pense que, comme roi du mal, il tient en respect tous les démons et neutralise par sa présence l’initiative des esprits mauvais. Ce raisonnement doit être complété par la règle magique selon laquelle le semblable produit et guérit le semblable. Il n’est pas tout à fait exact car, en fait, le tigre ne représente pas plus le bien que le mal ; c’est seulement le symbole de la puissance qui régit, ici, les forces infernales. Dans le cas particulier de l’enterrement, nous pensons que le tigre représente plutôt un démon, et surtout son détrousseur, Sépulcre du double deuil (Chóngzang liánsang, Trùng tang liên táng) : la grande crainte de la famille d’un défunt était qu’un autre décès ne survienne dans le même mois, ce qui entraînerait un double deuil, et le démon qui pourrait causer ce malheur est justement placé sous le signe de la branche terrestre yin (dân) qui correspond au tigre . La terreur du tigre, puissance infernale, se révèle de façon moins ambiguë dans la pratique de l’exorcisme pour les victimes du tigre ou les morts nés l’année du tigre (sauf les morts âgés de moins de trois ans ) qui risquent sans cela d’avoir leur âme emportée par le tigre. Une légende sino-vietnamienne entretient même la croyance que la victime du tigre ne meurt pas tout de suite, mais devient un fantôme (ma trành) au service de la bête qui l’utilise comme appât pour attirer une autre proie humaine laquelle, une fois dévorée, devient à son tour appât tout en délivrant l’ancienne victime.

Doué de pouvoir occulte, le tigre est par excellence l’animal des sorciers. C’est la monture du grand maître sorcier taoïste Zhang Daoling (Truong Ðao Lang), fabricant de l’élixir de vie et possesseur de remèdes contre tous les maux. Il est mis sur le compte du tigre une méthode de divination appelée Hubu (Hô bôc). D’Afrique en Asie, les grands fauves sont honorés à l’égal des hommes, lesquels peuvent se transformer en eux de même qu’ils peuvent se transformer en hommes. Les Ghuliak (Sibérie) considèrent que le tigre « par sa vie et ses mœurs » est un homme véritable qui ne revêt que temporairement l’aspect du tigre. Les populations montagnardes du Sud indochinois croient à l’existence du Somri, homme-tigre qui peut prendre à volonté les deux formes. L’historiographie vietnamienne rapporte le cas célèbre du grand conseiller Lê van Thinh qui se changea en tigre pour assassiner le roi Lý Nhân Tôn (1072-1127) sur le grand lac de Hanoï mais en fut empêché par un pêcheur qui l’attrapa dans son filet et l’obligea ainsi à reprendre sa forme humaine . Le tigre-homme est pris comme ancêtre par de nombreuses tribus altaïques : les Goldes se déclarent descendre du tigre et sont sûrs de la magnanimité du fauve qui s’éloigne toujours en les voyant, les ayant reconnus comme ses petits-enfants.

L’homme le plus apte à prendre l’apparence du tigre est évidemment le sorcier. Pour les habitants du Sud-est asiatique, sorcier et tigre sont intimement liés. Le sorcier, intermédiaire entre les hommes et les dieux, acquiert son savoir par le tigre qui est son ancêtre et à sa mort devient lui-même tigre. Les tigres-sorciers ont censés vivre dans un village d’hommes-tigres caché dans la jungle d’où ils reviennent hanter les vivants. Il est vain de se demander comme Endicott si l’esprit-tigre des Malais est un tigre réel ou un simple fantôme, puisque les villageois le perçoivent comme une réalité physique dont l’action sur les hommes est tout à fait concrète. Tigres fantômes ou non, tous les tigres auxquels ils ont affaire sont redoutés, cajolés et honorés de même. Lors des cérémonies d’exorcisme, à un moment donné des incantations magiques, le sorcier malais ou vietnamien est possédé par l’esprit du tigre et se met à danser et à prendre des postures de la bête. Le départ du tigre coïncide avec le retour du sorcier à un comportement normal et signifie la défaite des esprits malfaisants emportés par le tigre, c’est-à-dire la délivrance des influences néfastes pour le demandeur (d’exorcisme).

Le sorcier faisant profession de guérisseur, le tigre joue aussi le rôle d’un agent de la médecine. Ses griffes, dents et moustaches sont des charmes puissants contre les courbatures, le rhumatisme, le feu et aussi la peur. Sa viande donne de la force à condition de ne pas en abuser. Ses os broyés en poudre ou cuits en pain (cao hô côt) possèdent des vertus fortifiantes. De nombreuses marques pharmaceutiques le prennent comme emblème, en particulier celle qui fabriquent une huile ou crème panacée. Le mythe de la pierre magique du savoir se rattache par ce biais au tigre. Les Malais croient que leur sorcier-tigre possède une pierre surnaturelle appelée chebuch qui l’aide à connaître toutes les maladies, à voir au loin et lui permet d’exercer sa volonté. Les Chinois prétendent que le tigre garde une telle pierre dans son corps, sous ses épaules, là où l’on peut lire le caractère yu (ng?c) sur les lignes de sa fourrure.

Le tigre de guerre qui recueille les butins de la victoire et le tigre des forces magiques ne peuvent que donner naissance au tigre de la prospérité. Au-dessus de l’autel consacré au génie des richesses Cái Shén (Thân Tài) ou Lù Xing (Lôc Tinh) installé dans la cuisine des Chinois ou des Vietnamiens, on trouve souvent une effigie du tigre à la place du dieu lui-même. Ce dernier est identifié selon l’endroit au dieu de la terrasse sombre Xuân Wu (Huyên Vu), à Bi Gan (Ti Can), personnage du roman de l’Investiture des dieux, ou à Gui Ziyi (Quách Tu Nghi), un général des Tang. Comme le métal subit l’influence de la planète Vénus (la très blanche Taibái, Thái Bach) selon l’astrologie chinoise, les Vietnamiens adorent comme dieu des richesses un génie Thái Bach monté sur un tigre blanc (lui aussi symbole de l’automne et du métal) sinon le tigre blanc lui-même. Même quand il s’agit d’une divinité anthropomorphe, il reste une référence au tigre dans le fait que l’autel est toujours placé au ras du sol, et à cause de cela parfois dédié aussi au dieu de la terre. C’est ce petit autel que l’on peut voir par terre dans un coin de toutes les boutiques chinoises de Paris et d’ailleurs.

Pour toutes ses qualités transcendantes, le tigre mérite bien son titre de roi des animaux que tous les habitants des régions tigreuses lui reconnaissent. Les Chinois justifient même cette distinction par le caractère wang (vuong) ou roi que l’on peut lire sur les rayures de sa fourrure vers le haut de son épine dorsale . Sa puissance souveraine fait de lui le symbole du statut royal sur lequel le monarque indien devait marcher lors du rite de consécration. Son nom, synonyme de vaillance, est souvent donné comme prénom, et dans tous les pays il entre dans les expressions vantant le courage et la force et aussi la cruauté : se battre comme un tigre, démarche d’un tigre, mettre un tigre dans son moteur, caresser les moustaches d’un tigre, jaloux comme un tigre, etc. La physiognomonie chinoise distingue 14 types de visage dont celui du tigre qui se reconnaît à une grosse tête avec un front large, un nez rond, une grande bouche mais des cheveux et moustaches clairsemés, à une démarche lourde, une voix caverneuse et un regard fixe, en plus d’une grande taille, type qui convient à une carrière plus militaire que commerciale. Aux hommes nés l’année du tigre sont imputés l’ardeur et le succès, mais la désapprobation de l’agressivité chez les femmes incitait autrefois les Chinois qui voulaient marier leur fille née sous ce signe à tricher sur leur date de naissance.

Au seuil de l’année bingyin (bính dân) pendant laquelle le tigre est dans son élément, puisque la branche céleste bính correspond comme lui au métal, espérons que le Tigre dans la plénitude de sa puissance l’utilise pour nettoyer notre planète, à commencer par le Vietnam, des démons qui la ravagent.

1. On peut en déduire l’antériorité de la mythologie du lion sur celle du tigre. Un autre argument en faveur de cette antériorité réside dans la légende chinoise qui fait descendre le premier de l’étoile Tianshu (Thiên xu) de la Grande Ourse, constellation correspondante au lion , alors que zodiacalement le tigre correspond à la constellation des Gémeaux (cf. Burckhardt, Chinese creeds…, p. 39).
2. Est appelé boddhisattva (pusa, bô tát) l’être qui est sur la voie du complet éveil dont l’essence est devenue intelligence, qui atteindra l’état du Bouddha dans une future existence. L’arhat (luó hán, la hán) est un des 18 disciples personnels du Bouddha Çakyamouni..
3. Ce dieu représente une constellation englobant l’étoile polaire et des étoiles de la Grande Ourse, autour de laquelle s’est construite la cosmogonie taoïste qui la tient pour le siège de l’Empereur de Jade et par suite l’endroit où se décident les destinées humaines ; d’où son nom donné à l’astrologie sino-vietnamienne.

4. Cf. Tô Nguyêt Ðình, Truyên cô tích…, n° 82. A noter le mythe du tigre (ailleurs, lion) généreux et nourricier qui se retrouve dans les légendes de tous les pays..
5. Cf. Taboulet, Le bestiaire indochinois…
6. On peut même supposer que les autorités ont pris justement le nombre 30 comme montant de la prime pour rappeler discrètement la dénomination du tigre (en vogue dans tout le pays et non seulement au Sud), comme ont dû y faire allusion les dirigeants de la République du Vietnam en sortant le timbre de 30 piastres à l’effigie du tigre.
7. Cf. Doumer, L’Indochine française…L’auteur y rapporte (p. 145-150) l’histoire amusante d’un village de Bà Ria infesté par un tigre dont le chef de canton réussit à se débarrasser en le faisant nommer notable. Une variante de cette histoire se trouve dans le recueil de Tô Nguyêt Ðình.
8. Cf. Bode, Festivals in classical China... De nos jours les pratiques exorcistes du Nouel an se rencontrent toujours mais la grande fête de l’exorcisme est déplacée au 5e jour du 5e mois lors du Duànyáng (Ðoan Duong), jour d’anniversaire du poète Qu Yuán (Khuât Nguyên, 340-278 ?). D’autre part, il existe une légende chinoise se rapportant à un tigre de peau pihu (bì hô), la peau désignant ici l’argent en vigueur sous les Han, qui vient la nuit du 30e jour du 12e mois voler les gâteaux des pauvres pour les donner aux riches (cf. Burckhardt).
9. Les mandarins vietnamiens auxquels les colons français reprochent leur manque d’enthousiasme dans la chasse du tigre prétextaient un souci économique : le tigre rend plus de services en détruisant les cerfs dévastateurs des récoltes qu’il ne commet des dégâts (cf. Taboulet).
10. Comme les Bengalis, les Chinois attribuent au tigre une grande longévité ; ils croient qu’au bout de 500 ans il devient tout blanc et qu’à l’âge de 1000 ans il accède au rang d’immortel, pouvant alors changer à volonté de forme ou venant alors habiter la lune ou la voie lactée (cf. Bonnerjea, Volker).
11. Les autres régions sont ainsi réparties : au Nord, c’est le domaine de la tortue noire, commandant à l’hiver et à l’eau ; au Sud, celui de l’oiseau de feu rouge, chef de l’été ; au Centre, celui du dragon ou du phénix de terre jaune.
12. Pour rappeler ce fait, les autels sino-vietnamiens dédiés au tigre doivent être établis au rá du sol pour être efficaces. Quand on pense que l’esprit du tigre se manifeste, on dit qu’il « monte » par opposition aux esprits célestes qui « descendent ».
13. Cf. Ball, Volker. C’est au Japon où le tigre ne compte pas parmi la faune indigène que l’imagerie de ce félin est la plus populaire. Les plus belles peintures et gravures avec le tigre comme sujet sont l’œuvre d’artistes japonais et non chinois, et si les traits de l’animal sont parfois fantaisistes, il est répondu au critique qu’on vi? plutôt à la ressemblance morale.
14. Cf. Giran, Magie…,p.115.
15. Cf. Maspéro, Le taoïsme…, p. 225.
16. A noter que dans le cycle duodécennal, l’année du tigre succède à celle du taureau-buffle.
17. Cf. Giran, Magie…, p. 127.
18. En Chine, les nombres pairs sont réputés yin et les nombres impairs yang. Dans la réalité, la taille du tigre varie selon les espèces (8 en tout dont 6 en voie de disparition) de un à deux mètres sans la queue, le plus grand étant celui de Sibérie. Le tigre d’Indochine, tigris corbetti, autrefois si nombreux (vers les années 1860 on en abattait rien que dans le sud du Vietnam 100 par an) est aujourd’hui menacé d’extinction, tout comme celui du Bengale ou de l’Indonésie. Le temps de gestation de la tigresse varie de 95 à 112 jours, c’est-à-dire de 3 à 4 mois.
19. Une même transposition en faveur d’un seul animal s’est opérée pour le dragon avec le culte des cinq dragons. Dans son livre, Occultisme…, Chochod donne la traduction d’une intéressante prière adressée aux cinq tigres.
20. La statue personnifiée du dieu Trân Vu dans le temple de même nom à Hanoï ét un des plus beaux vestiges de la sculpture vietnamienne du 17e siècle.
21. Il s’agit d’une division du Ciel en 9 gradins (jiu chóng, cuu trùng) ou 9 cieux (jiu tián, cuu thiên). Parallèlement à la mythologie des 9 tigres existe celle des 9 dragons se partageant l’espace céleste..
22. La religion populaire sino-vietnamienne divise les parties inférieures de la terre en dix régions administrées par dix rois, Diàn wàng (Ðiên vuong) ou Yán wàng (Diêm vuong).
23. Cf. Dumoutier, Le rituel funéraire…, p. 70-71.
24. Ce démon est cité par Dumoutier (ibid. p. 50), mais il ne fait pas de liaison entre ce tigre et celui de l’enterrement.
25. Les pratiques d’exorcisme, plus efficaces quand elles ont lieu un jour yin (dân), consistent à flatter la divinité par des prières et en déposant devant son autel des offrandes qui lui plaisent. La tradition sino-vietnamienne veut que le tigre aime la viande de chien. La coutume d’enterrer un chien avec une victime d’un tigre à l’endroit même du drame, citée par Schebesta (Among the…) doit avoir aussi pour but d’amadouer le tigre pour l’empêcher de revenir.
26. Les montagnards vietnamiens croient que les tout petits enfants échappent à l’emprise du tigre parce qu’ils n’ont pas encore d’identité (cf. Cuisinier, Sumangat…), alors que d’autres peuples estiment que les nouveaux-nés défunts deviennent eux-mêmes des esprits malins (cf. Levy-Bruhl, Le surnaturel…). Les Akkas du Triangle d’or thaïlandais sont persuadés que les enfants morts-nés reviennent sous la forme du tigre pour tu? le bétail et les hommes (cf. Lewis, People…).
27. C’est-à-dire sa vie fière et solitaire et son aptitude à supporter tous les climats ? (cf. Roux, Faune…).
28. Cf. Ðai Viêt su ký toàn thu. Il y a tout à parier que cette tentative d’assassinat a été montée de toutes pièces par l’entourage royal pour justifier la disgrâce et l’exil d’un grand et fidèle serviteur du royaume. Même s’il a seulement existé en intention, un crime aussi capital aurait été à l’époque puni de mort allant jusqu’à l’exécution de tous les membres de la famille du coupable jusqu’à la troisième génération.
29. Cf. Endicott, An analysis….
30. C’est le même dessin qui permet de lire le caractère yu (ngoc) qui veut dire perle, les deux caractères yu et wang ne différant que par un point.

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