Les opposants au régime menacés de pendaison et de décapitation par un ministre vietnamien

Tout le mois de novembre, la presse vietnamienne d'outremer relayée par la Far Eastern Economic Review (18/11/93) s'est fait l'écho de la consternation suscitée dans les milieux vietnamiens par une déclaration explosive, réclamant la mise à mort de tous les opposants, faite par un haut dignitaire du régime le 9/11/93, lors d'un colloque sur le Vietnam organisé en Hollande par l'Institut de recherches tropicales et le Comité économique Hollande-Vietnam (MCNV).
M. Nguyên Trong Nhân, Ministre de la Santé du Vietnam et chef d'une importante délégation comprenant entre autres le Dr Pham Huy Linh, Directeur de l'Institut de prophylaxie antituberculeuse Pham Ngoc Thach (ex Hôpital Hông Bàng), invité par les organisateurs du colloque à s'exprimer sur "la Santé publique et l'économie de marché", tout en se félicitant dans son exposé des "magnifiques résultats de l'économie de marché" adoptée par le Parti, dressa un tableau misérabiliste de l'état de la Santé dans le pays pour conclure par un appel vibrant à la générosité de l' Occident. Encouragé par M. Bakker, Président du Comité MCVN à poser des questions au conférencier, l'auditoire, composé d'un grand nombre de Vietnamiens réfugiés, ne manqua pas de l'interroger sur les problèmes de l'injustice sociale, de la violation des droits de l'homme et de la répression religieuse au Vietnam.
Les questions insidieuses telles: "Etant donné les résultats mirobolants de l'économie et l'état désastreux de la santé publique, pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas réservé une partie des profits réalisés à la réforme de la Santé ?" et surtout :"Si, comme vous l'affirmez, l'entière communauté des Vietnamiens d'outremer a accepté de collaborer avec le gouvernement, pourquoi de centaines de Vietnamiens sont-ils en train de manifester dehors ?" eurent raison de la prudence du ministre qui fulmina :
-" Ces bandits (= les opposants) d'outremer, s'ils vivaient au Vietnam, mériteraient la corde ou l'échafaud !"
Malgré les protestations de l'assistance, il ajouta : " Tous ces bandits ont des dettes de sang envers le peuple. Quoiqu'ils aient pu s'échapper à l'étranger, ils osent toujours s'opposer au peuple !"
Choqué, un médecin hollandais présent au colloque déclara avoir l'impression d'avoir été mis en présence du représentant d'un régime moyen-âgeux.

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Le naturel revient au galop

La récente sortie du Ministre de la Santé du Vietnam, vouant tous les opposants à la pendaison et à la décapitation, dévoile une fois de plus l'intolérance et la férocité intrinsèques des communistes vietnamiens, masquées d'ordinaire sous des paroles lénifiantes et les appels à "la réconciliation nationale", dès que la légitimité de leur pouvoir est mis en question. Pourtant, les affidés au régime ont beau faire preuve de brutalité (autant physique que verbale) et démentir dans les faits leur propos modérés, beaucoup d'Occidentaux et de Vietnamiens vivant en Occident s'obstinent à prendre en considération leur volonté de changement et à les soutenir dans leur entreprise de réformes économiques censées ouvrir la voie à des réformes politiques en vue de la démocratisation du système. Poussée à l'aveuglement volontaire par des responsables moins naïfs que calculateurs, une bonne partie de l'opinion publique occidentale oublie que le naturel des communistes, bridé par la nécessité de se renouveler, revient toujours au galop, et qu'une démocratie, si timide soit-elle, ne pourra être instaurée au Vietnam que contre et non avec les communistes.

Paris, novembre 1993

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