Ayant dans un cours d'histoire la malencontreuse idée de mettre en doute la version officielle sur un événement de la deuxième guerre mondiale, un professeur se voit condamné à une peine de prison avec tous les ennuis afférents. Ce genre de récit révoltant est monnaie courante concernant les années sombres du nazisme et du communisme . Le poète Nguyên Chí Thiên, dont une première traduction en français des poèmes vient de sortir, en sait bien l'horreur, lui qui fut jeté pour la première fois à l'âge de 22 ans dans les geôles vietnamiennes -- où il croupira en tout 27 ans -- pour un "crime" analogue (il attribua la capitulation japonaise aux bombes atomiques américaines au lieu de la vaillance russe) . Combien s'indignent cependant que de tels faits s'observent aussi dans la France d'aujourd'hui où l'acharnement contre l'opinion récalcitrante se fait au nom de la loi avec la bénédiction des âmes bien-pensantes ?
Depuis une vingtaine d'années et particulièrement avec le vote
de la loi Gayssot en 1990 (adoptée malgré les objections des
champions les plus éminents des droits de l'homme comme Yves Jouffa
et Madeleine Rébérioux), le délit d'opinion est devenu
objet de poursuite devant les tribunaux, avec des conséquences désastreuses
pour le contrevenant : interdiction d'exercer son métier (dans le cas
des enseignants), ruine financière (pour cause d'amendes élevées)
et même prison. C'est ainsi que le 27 / 9 / 2000, pour avoir dans un
cours émis
des réserves à propos des chambres à gaz nazies, un professeur
de lettres en Moselle a été condamné en appel à une
peine d'un an de prison (avec sursis heureusement !) assorti du versement d'une
amende et des dommages aux parties civiles d'un montant de 100 000 francs (=
une année de salaire d'un professeur du secondaire) avec en perspective
une radiation probable de l'Education nationale (= perte d'emploi). Mais, déclarent
les défenseurs de la loi, il s'agit d'opinion négationniste (certes,
mais depuis quand la vérité historique est-elle l'affaire des
juges ? que dire alors des contre-vérités régulièrement
enseignées à l'école par des marxistes et colonialistes,
et aussi des énormités de toutes sortes proférées
parfois de la bouche de personnalités influentes ?), raciste (s'il faut,
du moment que ne sont notés ni injures ni actes agressifs qui tombent
de toute façon sous le coup de la loi commune, traquer les sentiments
et intentions, vers quelle société allons-nous et qui pourra
se prétendre assez pur de mauvaise intention pour se poser en juge ?),
blessant la mémoire des persécutés (leur mémoire
n'est-elle pas mieux respectée par la lutte contre tous les persécuteurs
existants que par une vénération discriminatoire et la persécution
de quelques nostalgiques d'un Reich révolu ?)
Les mânes des victimes du nazisme ont au moins la consolation de savoir
leurs bourreaux anéantis et ne sont plus offensés publiquement
que par des individus isolés, alors que ceux du communisme souffrent
non seulement de l'arrogance persistante du pouvoir honni mais aussi de la
complaisance des nations à l'égard de ce dernier; l'intelligentsia
de gauche régnant dans la majeure partie du monde, leurs maux continuent à être
officiellement minimisés (quel tollé a suivi la parution du "Livre
noir du communisme"!) et leurs tortionnaires excusés. Quant aux
victimes d' autres dictatures sanglantes de par le monde, elles n'ont souvent
même pas l'avantage d'être niées (c'est-à-dire évoquées),
elles restent ignorées et vouées à jamais au néant.
La loi Gayssot entre dans le cadre des nombreuses concessions faites par l'Etat aux groupes de pression. En jouant sur les complexes de culpabilité et d'arriération (ou peur de rater le coche) présents en tout un chacun, ces groupes (pas toujours représentatifs des minorités intéressées), puissants et organisés, profitent du relâchement de la morale et des mœurs pour imposer leurs vues et pousser les gouvernements à promulguer par démagogie en leur faveur des lois et décrets d'exception, au détriment par essence du reste de la population. Animés d'une soif de reconnaissance à la mesure de leur ancienne condition de victimes, ils demandent à la loi des dispositions répressives contre toute atteinte à leur susceptibilité. Du coup, devient tabou toute critique, même objective, les concernant, des vocables usuels jugés péjoratifs sont frappés d'interdit, des gestes et paroles familiers jusqu'ici anodins se trouvent accusés de malice. Tout débat sur le moindre sujet réputé sensible s'avère désormais impossible, et même pour constater cette triste réalité, des écrivains célèbres comme Jean d'Ormesson (Le Figaro du 24 / 9) sont obligés de prendre des gants.
Les monopolistes de la vertu chassant la sorcière de manière sélective au gré des rapports de force, on aboutit à des situations iniques ou irrationnelles où des opinions mal-pensantes ne donnant lieu à aucun acte menaçant encourent plus leur foudre que des outrages autant physiques que verbaux si ces derniers visent une communauté peu combative, fût-elle majoritaire . Remplacez dans vos histoires belges les noms des épinglés par certains d'autres à consonance ethnique, et elles se transforment en médisances sanctionnables. Au nom de la liberté, faites si cela vous chante de Jésus un débauché, mais en considération du droit des minorités, gare si vous touchez de loin à Mahomet ! Des valeurs séculaires sont piétinées quand d'autres plus récentes sont consacrées ; le sexe le plus cru et la violence la plus abjecte s'étalent dans les media au vu des enfants, mais des invites appuyées entre collègues, en voilà du harcèlement caractérisé ! L'intimidation des groupes activistes marche si bien que ceux qui osent les mettre en question ne rencontrent que réprobation et tourments. Au point que les libertés des groupes finiront un jour par détruire la liberté.
Car ce n'est pas du jour au lendemain que la dictature s'installe dans un pays. Elle se prépare par la démission de l'esprit critique et une normalisation progressive des idées toujours pour des motivations se disant honorables. Que tous les réfractaires à la pensée captive se lèvent pour dénoncer le travail de sape contre la démocratie que constituent les décisions liberticides sous forme de promotion des uns à l'encontre des autres que ne cessent de prendre les politiciens sous l'emprise de la passion partisane ou du calcul à court terme.
3/10/2000