Le dragon de jade
(Texte servant de préface au livre « Le dragon de jade » de Dang-Vu Hùng, Levresse JM Longeville-les-Metz 1981)
De tous les animaux fantastiques, le dragon est le seul qui frappe continuellement et universellement l’imagination humaine. On le trouve vénéré dès l’aube des civilisations, à l’Est comme à l’Ouest, au Nord comme au Sud, et encore aujourd’hui, il appartient au folklore sinon à la croyance des peuples des cinq continents. En fait, le vocable dragon recouvre une grande variété d’animaux allant du simple ver et serpent à un composite monstrueux de bêtes fort différentes. De nombreuses illustrations du dragon à la ressemblance des dinosaures, en particulier au Moyen-Âge européen (par exemple les sculptures de dragon sur les reliefs de Notre-Dame de Chartres), à l’époque où l’existence réelle de ces bêtes était ignorée puisque la reconstitution de leurs fossiles ne fut réalisée qu’au XIXe siècle (la première mise à jour des restes de dinosaures eut lieu en 1823 dans le Comté d’Oxford en Angleterre), prêchent en faveur de l’ascendance préhistorique du dragon1. Cette opinion est renforcée par la croyance tenace de certains habitants en la réalité vivante de monstres lacustres assimilés aux dragons dont la description par ceux qui les ont « vus » correspond à celle du plésiosaure (cas de la Nessie du Loch Ness, du Mokele-Mbêmbe des rivières Sangha et Ikelamba du Congo et Bas-Niger2), du moropus (cas du Tsongomby ou Tsiombiomky, sorte de mulet géant de Madagascar3), etc.. Cependant, il s’agit d’une ascendance multiple d’animaux dont les formes ont été mélangées dans le souvenir nébuleux des hommes qui en ont surtout retenu l’aspect colossal et effrayant, suppléant aux détails oubliés des traits tirés de leur imagination ou de leur observation de la faune d’alentour.
Les plus anciennes représentations du dragon datent du 4e-3e millénaire avant J.C.. Elles relèvent de la glyptique sumérienne et montrent toutes un type reptilien plus proche du lézard que du serpent, d’ordinaire bipède puis quadrupède, au corps étiré couvert d’écailles traduites par des creux et hachures très nets4, à la queue flexible souvent dressée et terminée par une touffe de poils, au cou allongé soutenant une tête de félin ou de serpent au nez barré pourvue d’une paire d’yeux globuleux et d’une langue bifide. Vers le règne de Goudéa (~ 2100 av. J.C.) on le dote d’ailes empruntées d’abord à la locuste, puis à l’époque akkadienne (~ 2e millénaire av. J.C.) à l’aigle, que l’on supprime vers l’époque néo-babylonienne (8e-7e siècle av. J.C.) lorsqu’il acquiert assez de qualités divines pour n’avoir plus à être associé à une divinité spécifique. En même temps, alors que les pattes de derrière restent félines, les pattes de devant se transforment en serres d’oiseau de proie. On lui ajoute aussi des cornes entourant deux aigrettes ellipsoïdales, des boucles de poils tombant sur les joues, marque de la divinité, et une crête descendant jusqu’au niveau des pattes antérieures. Le plus beau spécimen de dragon connu sous le nom de sirrush (= serpent splendide ou magique) a été découvert en 1902 sur la porte d’Ihstar à Babylone, construite par Nabuchodonosor (604-502).
Parce qu’ils sont tous des descendants de Tiâmat le serpent-dragon primordial, le dragon ophidien associé à l’eau susdit dont le nom usuel est « mus-hus(su) », qui est reconnu comme l’ancêtre du dragon classique, a été souvent confondu avec le « mus-usum », dragon de type léonin et ancêtre du griffon5 connu comme le dragon cappadocien et avec le « mus-mah », serpent à sept têtes, créature des montagnes, lequel, peu reproduit par les suméro-akkadiens, connaît une grande vogue chez les peuples indo-européens6.
Des fouilles crétoises (1700-1450) ont exhumé des sculptures de dragon à l’aspect d’un saurien quadrupède à tête de mammifère, analogue au mushussu7.
Si le dragon égyptien du 3e millénaire est parfois représenté comme un félin à tête de serpent au cou étrangement allongé comme celui de la girafe, on le rencontre plus souvent sous la forme d’un serpent gigantesque à une ou plusieurs têtes8. Cette dernière conception du dragon s’est répandue vers le premier millénaire avant J.C. dans tout le Moyen-Orient. Un bel exemple en est donné sur un relief hittite de 1050-850 où l’on voit le dieu Temps combattre le dragon Illujanka représenté par un gros serpent à trois noeuds9. Les Juifs, sous l’influence des Canaéens, appellent Léviathan10 leur monstre le plus redouté et le décrivent comme un serpent-dragon rouge à sept têtes et dix cornes (Isaïe 27, Job 40, Apocalypse 12). C’est sur la base de cette description que le dragon chrétien est souvent dépeint comme une hydre à sept têtes parallèlement à d’autres formes à l’image du saurien écailleux bipède ailé11 ou du simple serpent géant.
Malgré l’existence dans la mythologie gréco-romaine d’autres monstres reptiliens tels que la chimère et la harpie, c’est l’hydre de neuf à cent têtes qu’on y appelle dragon.
En Inde et dans les pays de culture indienne, c’est le cobra à trois, cinq, sept têtes qui, de par sa ressemblance à l’arbre de vie ou le lotus sacré, est choisi de préférence au serpent géant pour représenter le nâga divin que l’on assimile au dragon12.
Coïncidence ou influence, les premiers dragons chinois figurant sur les vestiges Shang de 1766-1722 av. J.C.13, os divinatoires, bronzes et objets divers, offrent un aspect analogue à celui du dragon sumérien Tiâmat14. Un très beau dragon de jade de la période Anyang 1300-1030 av. J.C.), exhumé en 1976 de la tombe de la princesse Hao15, offre l’image d’un serpent ou d’une grosse chenille bipède, écailleux, à crête dorsale, muni de cornes cylindriques ; seul trait différent du dragon sumérien, la tête du dragon chinois n’est pas fine mais massive rappelant celle du taureau, du lion, voire d’un homme monstrueux16. A rapprocher de cette tête le fameux motif taotie (thao thi?t, glouton)17, sorte de monstre menaçant se distinguant par ses yeux protubérants, ses cornes et ses crocs rendus par des fines lignes en saillie, fréquemment reproduit sur les bronzes rituels afin d’inspirer la terreur et dans le but prophylactique d’inviter à la modération dans les cas des vases servant à contenir la nourriture et l’alcool. Plus généralement, les premiers dragons18 chinois sont stylisés sous forme de motifs géométriques, spirales et courbes (C et S19) associées à des losanges et hachures symbolisant le tonnerre et les nuages. C’est sous les Han qu’a été fixée l’image du dragon classique20 dont la première description détaillée est fournie par Wang Fu (Vuong Ph? 73-48 av.J.C.), auteur du Qián fu lùn (Ti?m phu lu?n)21. Une synthèse des divers textes aidée par l’examen des multiples représentations du dragon donne pour image idéale : un reptile à tête de cheval à crinière abondante (ornée de longues moustaches, signe de virilité pour le mâle) surmontée de deux cornes de cerf encadrant souvent une excroissance appelée chimu (xích m?c), aux yeux brillants (de démon ou de lièvre)22, à la langue dardante, dont les oreilles sot celles du taureau, au cou et au corps de serpent recouvert d’écailles de carpe (au nombre de 9x9 = 81, nombre yang, opposé au nombre yin 6x6 = 36 des écailles de la carpe, celles du cou s’ordonnant dans le sens inverse de celles du corps), au dos parcouru d’une crête osseuse, au ventre de coquillage ou de triton23, aux pattes de tigre terminées par des serres d’aigle24, à la queue achevée par une nageoire ou une touffe de poils, parfois flanqué d’une paire d’ailes d’oiseau ou de chauve-souris25. Ce dragon ailé sous les Han se fait rare dans les représentations postérieures. Cette absence d’ailes ne signifie pas que le dragon ne peut plus voler mais, pareillement à une évolution comparable dans l’art mésopotamien, qu’il n’en a plus besoin pour s’élever dans les airs. C’est désormais la protubérance chimu qu’il a sur le front qui lui procure cette faculté. A cause de l’étendue des pouvoirs qui lui sont attribués, le dragon chinois sert de génie protecteur ou de repoussoir dans toute décoration architecturale, artistique ou utilitaire26. De nos jours, son sens héraldique a quasiment disparu, mais le dragon comme motif ornemental demeure omniprésent dans l’art asiatique. Par contre, à mesure que la divinité du dragon-génie s’accroît, son aspect animal décroît, et dans les temples consacrés aux dragons ils sont de plus en plus représentés sous la forme humaine, ou à la rigueur comme des humains à tête de dragon27.
Dans toutes les représentations du dragon se retrouve un élément constant, l’élément reptilien ou saurien, manifeste soit dans le corps entier soit seulement dans une partie du corps. Pour cette raison, on s’accorde à reconnaître dans le serpent le premier ancêtre du dragon. Etymologiquement, dragon vient du mot grec draco qui signifie serpent de grande taille (par opposition à ophis = serpent ordinaire) et bien voir28. Le radical lint du dragon allemand lindwurm veut aussi dire serpent. Pour les Chinois, le dragon est le chef des 360 reptiles et ils traduisent systématiquement le sanscrit nâga (= serpent divin, à distinguer du sarpa ou serpent vulgaire) par le caractère « long » (= dragon, opposé au serpent commun tà, xà). Le Moyen-Age chrétien appelle indifféremment ver, serpent ou dragon la même bête29.
Dans les premiers temps de la mythologie serpent et dragon étaient associés, voire confondus. Puisque tous les pouvoirs surnaturels attribués au dragon découlent en réalité de ceux du serpent dont le culte célébré universellement depuis la préhistoire n’a cessé d’être entretenu de nos jours chez de nombreux peuples30. Cette bête effrayante et mystérieuse, vivant solitaire dans les endroits les plus rebutants, a toujours exercé une grande fascination sur les hommes qui l’estimaient immortelle à cause de sa capacité de mue et par suite de rajeunissement31. Est-ce parce que chronologiquement les reptiles furent parmi les premiers êtres vivants à apparaître sur terre que presque toutes les cosmogonies primitives font état d’un serpent-dragon primordial, issu des eaux noires de l’abysse, symbole du chaos original32 mais aussi de la création puisqu’il n’est autre que Dieu dans sa forme différenciée avant sa multiplication dans les êtres et les choses ? C’est Tiâmat (= abîme, mer salée), la matrice des dieux babyloniens ; c’est Atoum, « celui qui n’est pas et celui qui est» le démiurge égyptien ; c’est Sesa-Ananta, le serpent infini hindou lové à la base de l’axe du monde ; c’est Chronos le dieu orphique d’où jaillit l’éther et le l’œuf cosmique ; c’est Léviathan le tortueux démon du chaos sémite ; c’est Midgardsorm le grand serpent « plus ancien que tous les dieux » enroulé autour de la terre des Nordiques. Pour les Fongs du Dahomey, le serpent continue à maintenir le monde enserré dans ses 7000 anneaux (3500 au-dessus et 3500 au-dessous) pour l’empêcher de se désintégrer dans l’océan qui l’entoure. Les habitants de Bornéo croient aussi le monde soutenu par un grand serpent qu’ils ornent d’une couronne.
Principe de vie (la langue chaldéenne a le même mot pour désigner serpent et vie ; chez les Arabes, el hayyah ou le serpent et el hayat = vie ont pour radical el hay = vivifiant), le serpent-dragon est associé à tous les cultes de la Déesse-mère à laquelle il s’identifie comme pour Tiamât et Nu Wa33 ou dont il est un attribut comme pour Isis , Cybèle et Eve34. Iil est l’emblème des déesses de l’amour (Ishtar, Chalchiutlicue) et se manifeste dans tous les rites fécondants liés à la femme et l’enfant35. A Epidaure, les femmes désirant un enfant allaient dormir dans le sanctuaire d’Asclépios où les serpents du dieu venaient les visiter. La mère de Bao Si (Bao T?), concubine de l’empereur You des Zhou († 771 av. J.C.), la conçut après avoir touché un lézard, métamorphose de l’écume du dragon des Xia conservée au palais. Au Guatemala, en Australie centrale comme en Afrique, on croit que le serpent, à l’instar de la cigogne, apporte les bébés. En Inde, les femmes adorent toujours le serpent quand elles veulent avoir un enfant. Dans de nombreux pays, la menstruation des femmes est imputée à la morsure du serpent et chez les Chiriguanos, après purifications et fumigations suivant leurs dpremières règles, les jeunes filles poursuivaient partout les serpents responsables de leur mal36. Le serpent-dragon isolé qui représente le phallus, symbole de la fécondité biologique, est souvent associé à la vulve, stylisée en losange37 dans l’iconographie. Mais les deux serpents-dragons enlacés qui comportent un mâle et une femelle expriment depuis les dâges les plus reculés la résolution des contraires et par suite la fécondité intellectuelle.
S’il est à la source de la vie, le serpent-dragon veille aussi au royaume de la mort, celui de la nuit abyssale dont il provient. Tout endroit sombre et profond peut servir de demeure à un serpent ou dragon38. Le ventre de la terre est ophidien par excellence. D’après le « Livre des morts », après être enterré, Osiris-Râ (le soleil) doit traverser douze chambres (les douze heures de la nuit) habitées par des serpents dont le monstrueux Apophis, incarnation du Maître des ténèbres, avant de renaître à la surface de la terre. Chez les peuples pratiquant le culte des ancêtres, on croît souvent que l’esprit du mort revient dans le corps d’un serpent. Tous les cultes chthoniens font appel à lui : le dieu du sol chinois Gou Long (Câu Long) était représenté comme un énorme serpent-dragon à tête de tigre cornu. La fortune du dragon souterrain connaît surtout son essor en géomancie. En Extrême-Asie, on essaie de construire les édifices à l’emplacement de la tête du dragon afin de s’attirer les meilleurs augures dus au souffle bienfaisant de l’animal. ; c’est ainsi que le temple Linh Lanh près de Son Tây (Vietnam), construit soi-disant sur une tête de dragon, possède une allée censée reproduire le corps de la bête sur laquelle il est interdit de planter de peur de la contrarier. En Inde, on cherche à jeter les fondations sur la demeure d’un nâga parce que ce dernier vit en principe au centre du monde, là où toute maison heureuse doit se situer. Par contre, on s’abstient de creuser dans les endroits où repose le dragon : en Chine, vers 1910, les mandarins envoyèrent à l’empereur une pétition lui demandant d’arrêter l’exploitation des mines de charbon voisines des tombeaux impériaux par crainte d’irriter le dragon qui y habitait et risquait de bouleverser les restes de l’impératrice enterrée depuis peu39.
Maître du sol, le serpent-dragon règne sur toutes les richesses qui y sont emmagasinées. Ainsi naît le mythe du serpent-dragon gardien des trésors. Selon une croyance populaire Fon et Ewe (Dahomey), un trésor formé de belles perles aigri ou popo (sorte de perles bleues) est caché à l’endroit même où finit le serpent arc-en-ciel Anyiewo. Les tertres funéraires anglo-saxons sont supposés contenir un trésor défendu par un dragon. Le folklore iranien soutient que sous les ruines du château de Fabender près de Shiraz sont enfouis des armes et joyaux protégés par un serpent ailé. Les palais des nâgas hindous regorgent de pierreries au dire des légendes.
A la fois être des abîmes et dispensateur de vie, le serpent-dragon symbolise la connaissance parfaite et accompagne tous les dieux civilisateurs (Bel, marduk, Baal, Visnu, Zeus), s’allie à tous les dieux de la lumière et de l’intelligence (Râ, Osiris, Apollon, Athéna, Hermès). L’uræus ou le cobra royal qui ceint la tête des dieux et pharaons égyptiens est l’image de la raison et des forces naturelles. Le serpent-feu tantrique kundalini repréente la force divine qui, enroulée sur elle-même au bas du corps, s’élève progressivement dans le canal médian de la colonne vertébrale de l’ascète pour l’éveiller à l’illumination. Selon la tradition chinoise , les trigrammes divinatoires du hétu (hà d?) furent apportés à l’empereur Fu Xi par un cheval-dragon, et Yu le Grand ne put vaincre le déluge qu’aidé entre autres par un dragon qui traça sur le sol des dessins indiquant une voie pour les eaux. Le serpent-dragon qui vit partout est censé tout connaître et devient l’auxiliaire indispensable de la magie et des sciences occultes. C’est le porteur du savoir des cultes orphiques et taoïstes. En Egypte, les savants s’associaient dans la fraternité du serpent. Le devin et médecin Melampos reçut des serpents qu’il avait fait élever le don de comprendre le langage de toutes les bêtes après que ces derniers lui eussent caressé les oreilles de leur langue. Le sang du dragon Fafnir à peine bu, Sigurd (Sigfried)acquit la même faculté40.
Lié à la genèse du monde, le serpent-dragon est considéré comme l’ancêtre de l’homme. On ne compte pas le nombre de groupements ethniques qui se réclament de lui. Les souverains fondateurs et tous les héros mythiques de la Chine étaient des serpents-dragons. Le premier roi du Vietnam était aussi un dragon comme son nom L?c Long Quân (roi dragon des L?c) l’indique. Comme la monarchie cambodgienne, la dynastie Pallava (Moyen-Age indien) se targuait d’une aïeule nâgi unie à leur premier roi. Les Mèdes étaient réputés de la race des dragons et le Mont-Massis (Ararat) où ils où ils se réfugièrent après leur défaite par les Arméniens était redouté comme la principale demeure du Vishap (dragon), alors que leur roi Azhdak (Astyage, 6e siècle av. J.C.) est passé dans la légende comme un dragon fabuleux aux prises avec le roi arménien Tigrane Ier, tout comme sa première reine Anush est devenue la mère des dragons41. la tradition des tribus nâgas du nord-est de l’Inde, descendantes des peuples qui envahirent l’Inde au 7e siècle av. J.C. , les apparente à la race des serpents divins dont le pays d’origine Patala placé au-dessous de la terre est parfois interprété comme un pays d’Amérique latine situé à l’antipode du leur. Curieusement, le pays Maya avait la configuration d’un serpent dont la tête correspond à la péninsule du Yucatan, et les Mayas adoraient un serpent ailé au dos vert et au corps jaune semblable au dragon chinois. Comme le mot maya can pour serpent le rapproche de khan, titre des rois de Tartarie, on peut supposer à l’origine du pouvoir de ces derniers une consanguinité avec le serpent. De nombreuse tribus chinoises vénéraient un totem-serpent, ce que font toujours des tribus africaines (ex. les Kamalamba au nord-ouest du lac Victoria). Si à Madagascar on préfère se prévaloir du crocodile (mamba, voay), autre avatar du dragon, le serpent reste lié aux ancêtres chez les Sakalava, les Bara et les Betsimiraka. Les Masaï comme les Nanci refusent de tuer les serpents qu’ils croient être la réincarnation de leurs morts, et en Afrique du Sud les petits serpents bleus Chihoundjé sont regardés comme les émissaires des ancêtres.
Assimilés à ces derniers, les serpents deviennent des esprits familiers que l’on nourrit et dont on espère la protection42. En Chine, Les Xia devaient leur fortune impériale à la bienveillance des dragons qu’ils entretenaient43. Les Romains élevaient des serpents nommés epidauri d’après le serpent sacré du temple d’Asclépios rapporté à Rome pour délivrer la ville de la peste. Des serpents lares sont signalés chez les Galla et les Zoulou. Les anciens Sémites comme les Arméniens avaient aussi leurs serpents domestiques appelés hons djinns et shahapet.
Issu des eaux cosmiques, le serpent-dragon se plaît particulièrement dans l’eau, son élément par excellence. Les nâgas de l’Inde, de même que les peists celtiques, étaient des créatures de l’eau, vivant principalement dans les lacs et cours d’eau, et tout comme en Grèce où de nombreuses rivières sont désignées par orphis ou draco, leur nom est donné au Cachemire à de nombreuses sources44. Mucilinda, le roi nâga disciple du Bouddha, était la divinité tutélaire du lac près duquel le Sage méditait, qui le protégea de la tempête après son illumination en s’enroulant en ombrelle au-dessus de sa tête. En Chine toutes les divinités fluviales sont des dragons, et au Vietnam le Mékong se dit fleuve des « neuf dragons ». Le serpent-dragon symbolise les eaux divines et la force qui contrôle toutes les eaux, et en tant que divinité aquatique il est le gardien de toutes les richesses de la mer profonde (coraux, coquillages, perles...). Sur les illustrations il évolue toujours au milieu des flots et des nuages. Les serpents recourbés à deux têtes représentent l’arc-en-ciel. Les gouttières égyptiennes affectent la forme d’un serpent. Les dieux atmosphériques de l’orage et de la pluie avaient tous le serpent-dragon comme emblème. Sur les sceaux cylindriques, le dieu-temps Adad akkadien est debout sur un dragon ou assis sur un chariot tiré par lui, et le dieu de l’orage sumérien Ningirsu brandit une arme tonnerre semblable à un serpent à sept têtes45. Tlaloc et Chac, les dieux de la pluie maya étaient soit des serpents (sur le codex de Dresde), soit des personnages accompagnés d’un énorme serpent (sur le codex Troano, où le serpent prend la forme d’une outre remplie d’eau). Quetzalcoatl, le dieu aztèque de l’Est où apparaît l’étoile du matin et de l’Ouest, la région de l’eau abondante, se présente comme un serpent à plumes. Les prêtres bouddhistes récitaient des sutras où ils sommaient 186 nâgas46 d’apporter la pluie pour le bénéfice de l’humanité souffrante. En Chine, le culte des dragons pourvoyeurs de pluie qui existait depuis le néolithique fut, sous l’emprise taoïste, officialisé en 714 en tant que culte des cinq dragons par l’empereur Hiuan Zong (Huy?n Tông) des Tang47. Ce culte très populaire était pratiqué dans tout le pays jusqu’à la révolution. En période de sécheresse, les habitants défilent avec musique et gong jusqu’au fleuve où ils essaient d’attraper un serpent ou lézard considéré comme l’incarnation du dragon, puis, après l’avoir apporté solennellement aux autorités, ils attendent que les magistrats aient fini de se prosterner et de faire leurs prières rituelles à l’animal pour le remporter à l’endroit où ils l’ont trouvé48. Aujourd’hui, à Hong Kong et à Formose, en prémices à la mousson, on fête le dragon que l’on convie à monter aux nues pour faire tomber la pluie. En Europe, à cause à la fois de la survivance des croyances païennes et de l’identification du serpent-dragon au démon, toutes les calamités naturelles étaient attribuées à son action malfaisante, et en cas de sécheresse, l’Eglise organisait des processions incantatoires où l’on promenait dans la ville affligée un dragon de paille ou d’osier49. Au Dahomey, certaines tribus fiancent des jeunes filles au dieu-serpent Dan à l’approche des semailles pour attirer la pluie.
Partout on ne prie pas seulement le serpent-dragon pour qu’il envoie la pluie bienfaisante m ais aussi pour qu’il fasse cesser les inondations. Car dans sa colère il peut être terrifiant. On le rend directement ou indirectement responsable du déluge. Les marées sont imputées aux mouvements du serpent mondial ou à l’avidité du serpent qui engloutit les eaux pour les rendre ensuite50. Parce qu’il est lié aux forces atmosphériques, on fait de lui le promoteur des éclipses. Comme le serpent d’Indonésie, le Fanampitoloho, hydre à sept têtes malgache, est accusé de dévorer les astres. En Chine, quand les éclipses se produisaient, les habitants tapaient sur tous les instruments sonores qu’ils trouvaient pour effrayer le dragon avaleur du soleil et de la lune. Schlegel51 pense qu’il y a 160 siècles, lors des équinoxes de printemps, l’étoile Spica de la constellation du Dragon apparaissait dans l’Est au même endroit que le soleil, si bien qu’à mesure que la saison avançait, le corps entier du dragon apparaissait graduellement sur l’horizon comme si l’animal se saisissait du soleil. Actuellement la tête et la queue de la constellation se trouvent aux nœuds de la lune, c’est-à-dire les points où ont lieu les éclipses de lune. Le serpent-dragon est par ailleurs associé très tôt à la lune car marées et pluie dépendent étroitement des phases de cet astre. Sur une borne assyrienne du 6e siècle av. J. C. est gravé un serpent buvant à un croissant de lune52. Toutes les déesses de la lune (Sin, Ishtar, Artemis) avaient pour attribut le serpent. Comme la lune, le dragon rythme le temps et préside à la périodicité biologique. Les deux cornes de la constellation du dragon, Arcturus et Spica, percent et poussent dans le ciel à l’équinoxe du printemps, saison à la fin de laquelle il apparaît tout entier pour y rester jusqu’à l’équinoxe d’automne, date à laquelle il disparaît, évoluant de la même façon que la vie animale et végétale qui naît et disparaît pour resurgir plus tard, évolution que traduit la croyance chinoise en l’ascension dans le ciel du dragon à l’équinoxe de printemps53 et sa descente dans les abîmes à l’équinoxe d’automne. Sur un bronze Shang, on voit au milieu des morts une tête ronde supposée être la lune coiffée d’un serpent et versant des larmes figurant la pluie. Dans le trinôme serpent (dragon)- eau54- lune s’exprime toute l’épopée cyclique de la vie ; c’est ce symbolisme de la mort et de la renaissance55 qui a séduit les taoïstes dont l’emblème est un dragon jouant avec une balle (lune) au milieu des nuages (eau).
Dans le grand drame création-chaos-régénération, le serpent-dragon est identifié successivement à tous les dieux des anciennes religions. Il était aussi bien l’adversaire que l’image d’Osiris, dieu des morts, lequel était confondu avec son fils Horus, le dieu soleil, et sa femme Isis, la déesse-mère, avec lesquels il forme une triade inséparable. Il était aussi bien Tiâmat, la victime sacrifiée par le dieu Marduk, que Marduk lui-même. En Orient, mort et vie, bien et mal sont interchangeables ; la déesse ophidienne, source de toute vie, nourrit de sa substance tous ses enfants, mais c’est elle aussi qui les dévore. Malgré la nature redoutable du serpent-dragon56, les Asiatiques préfèrent retenir ses vertus bénéfiques. Par contre, les Occidentaux privilégient son côté pervers. Mais partout, même chez les Grecs où l’anthropomorphisme a rélégué les animaux fantastiques au rang d’ennemis des dieux, le dragon une fois mort reprend ses qualités vivifiantes ; ainsi des dents du dragon tué par Cadmus naissent des hommes dont cinq partent avec lui fonder Thèbes ; Sigurd devient invulnérable après s’être baigné dans le sang de Fafnir. C’est le christianisme, à la suite du judaïsme, qui a éradiqué l’aspect favorable du serpent-dragon57. La nature de Yahvé et du Christ ne supporte pas l’ambiguïté. Léviathan, le démon du chaos incarné par le serpent-dragon à sept têtes ne peut être que le mal absolu ; sur les sculptures des églises, les pécheurs pénètrent dans l’enfer par la gueule d’un énorme dragon. Les descriptions de ce dernier données dans Job et l’Apocalypse étaient prises à la lettre ; les dragons médiévaux crachaient tous feux et flammes, et l’imagination leur ajoutait une haleine fétide qui empoisonnait toutes les régions qu’ils infestaient. Contre eux, l’Eglise mobilisait ses saints : Michel, Marthe, Marcel, Georges,58 etc., et presque tous les apôtres accédant à la sainteté passaient dans la légende comme vainqueurs de dragon.
Quand il représentait le chaos et la destruction, le serpent-dragon était déjà l’ennemi à abattre par le dieu-héros civivlisateur, mais les combats titanesques de Marduk contre Tiâmat, de Râ contre Apophos, de Baal contre Yam, de Zeus contre Typhon ou de Thor contre Midgardsorm expriment la lutte des forces de composition et de décomposition qui étreignent le monde, dans laquelle le serpent-dragon tour à tour perdant et gagnant symbolise la défaite seulement momentanée des ténèbres. Une croyance commune prophétisait la fin du monde et le retour du serpent apocalyptique. Dans le « Livre des morts », le démiurge Atoum parle ainsi à Osiris : « Tu vivras plus que des millions de millions, une durée de millions ; mais moi, je détruirai tout ce que j’ai créé. La terre retourne à l’Incréé (noun), cet océan primordial. Je serai tout cre qui restera avec Osiris, et je reprendrai la forme de serpent que les hommes ne connaissent pas, que les dieux ne voient pas59 ». Le serpent-dragon alpha et oméga de la création, puissance sans laquelle multiplicité et vie ne peuvent naître, finit par être assimilé à son adversaire. Le christianisme, par contre, fait du héros tueur de dragon l’incarnation de la raison et du bien cherchant à détruire le dragon, esprit du mal, pour sauver la jeune fille60, image de l’innocence, de la pureté et de la vie, ou pour s’emparer des trésors61, symboles de la puissance et de la connaissance détenues par l’animal.
Mal absolu ou mal temporaire, le dragon à combattre est devenu un sujet favori de la littérature et de l’art mondiaux ; récemment encore les lecteurs occidentaux se sont passionnés pour les aventures tolkiniennes de Bilbo le Hobbit aux prises avec le dragon Smaug ; en Perse on chante les luttes de Bahram-Gur, Gustasp et Iskander contre le dragon ; au japon on raconte la victoire de Susanoo Mikotosur Uwabami le dragon à huit têtes62 ; en Chine se transmettent les légendes d’immortels dompteurs de dragon63.
Des qualités primitives du dragon, l’Occident n’a retenu que la puissance. C’est elle qui dicte le choix du dragon comme emblème par les cohortes romaines (depuis Trajan) puis par les corps auxiliaires romains. L’empereur de Constantinople le portait sur son étendard. En Angleterre, il figure toujours sur les armes du prince de Galles après avoir servi d’insigne à Uther Pendragon, père du roi Arthur, au Prince Noir et à la Maison Tudor (à partir de Henri VII) ainsi que sur le blason de a ville de Londres (deux dragons). En Chine et au Vietnam, il représente la majesté depuis les temps mythiques et son image orne tous les objets devant servir à l’empereur64. En Europe comme en Asie, l’apparition d’un dragon pacifique annonçait l’arrivée d’un grand homme ou d’ un nouveau règne : Uther Pendragon fut persuadé de sa future victoire sur les Saxons après avoir vu en songe deux dragons volant au-dessus de sa tête, et pour cette raison prit l’animal comme insigne ; la mère de Confucius rêvait aussi de la descente de deux dragons sur sa maison avant sa conception. Mais un dragon menaçant, surtout deux dragons en lutte, ne présageait que des désastres : en 1620 les Français attribuèrent l’incendie de la cathédrale de Quimper à un dragon vert à longue queue65 ; la mort de Wang Mang (23) comme celle du dernier empereur Zhu (581) était précédée de la venue de tels dragons. La puissance ne pouvant se maintenir que par la connaissance, cette dernière faculté du serpent-dragon se perpétue dans la tradition folklorique européenne sous forme de pouvoir magique attribué à diverses parties du corps de l’animal (cou, sang ...) et spécialement dans le symbole du caducée qui rappelle ses propriétés médicinales.
A toutes les propriétés du serpent auquel il est confondu, le dragon ajoute celles de nombreux autres animaux.
Dès ses premières représentations, il fut doté de cornes de taureau ou de cerf. Si en Egypte on trouvait souvent la combinaison serpent (uræus) entre des cornes de taureau (Apis), c’est en Mésopotamie que le serpent cornu fit son apparition pour la première fois. Les cornes de taureau, assimilées au croissant de lune, sont liées comme le serpent aux mythes de la lune régulatrice de la fertilité et instrument de mesure universel grâce à sa périodicité. Avec le serpent, le taureau est associé au dieu atmosphérique akkadien Adad, au dieu de la pluie maya Tlaloc et aux dieux lunaires Osiris, Sin, Artemis, et par suite aux divinités fluviales ; chez les Grecs et Romains, Poseidon, Oceanus, Eridanus (Pô) prennent souvent la forme s’un taureau , tout comme les dieux des rivières celtes (Ecosse) et germaniques (Allemagne du nord-ouest, pays baltes). Et de même que le serpent, agent indispensable à la vie, est aussi identifié au soleil (Râ, Apollon), le taureau est aussi un attribut du dieu de la lumière et des dieux énergiques (Indra, Civa), et ses cornes représentent les vertus du grand astre. Le lien entre le soleil, le cerf et le serpent se manifeste dans la légende qui donne à Python , adversaire d’Apollon à Delphes, un fils appelé Cerf. Les cornes du dragon chinois, qui rappellent le caractère zu (s?u) lequel évoque le respect dû aux ancêtres et représente le phallus et qui poussent dans le ciel au printemps, marquent le réveil de la nature et de la végétation66, et insistent sur le caractère astral et créateur de l’animal.
Si l’unanimité se fait sur le trait ophidien du corps du dragon, la nature de sa tête se fixe au gré des pays et des époques sur le serpent, le félin (lion ou tigre), le taureau ou le cheval. Tigre et lion représentent tous les deux la force agressive, le lion dans son aspect solaire et le tigre dans son apparence lunaire. Chez les Chinois où en général le dragon incarne le principe mâle et le tigre le principe femelle, l’incorporation des éléments du tigre dans la constitution du dragon signifie que yin et yang interfèrent toujours mais qu’ils agissent en harmonie avec la prépondérance du yang.
Comme le taureau, le cheval passait autrefois pour une bête aquatique. En Chine, on croyait que le cheval-dragon long ma sortait du fleuve à l’avènement d’une grande personnalité67. Pour les Grecs, les chevaux furent créés par Poseidon68 qui les sauva de l’appétit de Chronos, et le dieu lui-même prit la forme d’un étalon pour séduire Déméter. Les légendes turques et perses font état d’un cheval merveilleux issu des eaux. Le folklore mongol et anatolien mentionne un cheval ailé descendu du ciel – une race de cheval d’Asie centrale descendrait même de lui – ainsi qu’un cheval aquatique appelé deniz agyir ou deniz qulum69. Le kelpi écossais, le pooka d’Irlande, le goborchinns gallois, le nennir islandais, le nök norvégien, le päkk estonien et le zalgur du Cachemire sont tous des chevaux vivant dans l’eau. Le cheval, lié à la lune qu’il rappelle par la forme en croissant de lune de son sabot, est aussi le médiateur de cet astre ordonnateur de vie. Animal aquatique et lunaire, le cheval ne tarde pas devenir aussi animal solaire puisque dans les mythologies le soleil se déplace sur un chariot tiré par des chevaux. Mais, monture de Poseidon ou d’Apollon, le cheval est aussi celle d’Hadès, dieu des enfers : la littérature judéo-chrétienne parle du cheval pâle de la mort et de l’Apocalypse. En se combinant avec le félin et surtout le cheval, le dragon accumule ainsi toutes les forces naturelles en action70.
Le dragon peut voler et par suite possède parfois des ailes de chauve-souris ou d’aigle auxquelles font pendant les serres de rapace de l’animal. Lorsqu’il porte des ailes de chauve-souris, bête visible seulement au crépuscule, moment intermédiaire entre la lumière et la nuit, le dragon symbolise la magie, la ruse et le pouvoir infernal71, mais aussi la sagesse et la longévité, la chauve-souris pouvant vivre des milliers d’année selon la croyance populaire. Quant à l’aigle, il a toujours représenté la majesté céleste, le détachement de la terre et le principe spirituel par opposition au serpent , symbole de la terre nourricière et de la force biologique. En Inde, Garuda (aigle) et Nâga engagent l’un contre l’autre un combat sans fin. Le triomphe de l’aigle sur le serpent signifie l’ordre pour les Grecs qui, au siège de Troie, voyaient leur victoire imminente dans l’apparition d’un aigle tenant dans ses serres un serpent. Dans les combats des dieux contre le serpent primordial du chaos, le dieu héros (Marduk, Horus, Visnu, Zeus) est toujours assisté d’un aigle qui devient le symbole de tous les dieux suprêmes et civilisateurs, et par suite du père, de la fertilité mâle, de la puissance virile et de la guerre. Mais le dieu combattant finissant par être identifié avec son adversaire, la réunion de l’aigle et du serpent72 signifie la réconciliation des systèmes opposés, l’harmonie de l’âme et du corps. L’insigne de la divinité égyptienne est l’uræus ailé. Zarathoustra se déplace toujours avec son aigle et son serpent. Les grands dieux aztèques Quetzalcoatl, Gucumatz et Huitzilopochtli sont représentés comme des serpents à plumes. Le serpent-dragon à tête de cheval ailé ou pouvant s’élever dans les airs concentre en lui toutes les forces terrestres et célestes. Air, terre, eau sont tous son milieu naturel, et il se révèle ainsi comme le seul animal fantastique capable de porter tous les mythes de l’humanité.
Tous les peuples du monde possèdent un folklore relatif au dragon mais les Chinois73 sont seuls à en percevoir partout, dans le moindre contour des nuages, le plus léger renflement du sol ou le secret bouillonnement de l’eau, allant jusqu’à élaborer une véritable hagiographie de la bête. Ils expliquent à la fois l’omniprésence de l’animal et la rareté des rencontres avec lui par le fait que le dragon n’aime pas être vu entièrement74 et prend à volonté toutes les formes, de préférence celle d’un ver à soie, d’un lézard ou d’un serpent.
Les dragons peuvent être bleus, verts, blancs, rouges, jaunes, violets, noirs et même multicolores75, et se partageant les cinq régions de la terre et les quatre mers76. Parce que le dragon est considéré comme le premier des animaux, toutes les bêtes sont censées dériver du dragon. Pour Huai Nan Zi ou Liu An (Hoài Nam T?, Luu An - † 122 av. J.C.), auteur du Dé xing lun (Ð?a hình lu?n), toutes les créatures ailées, poilues, écailleuses ou à carapace descendent du dragon. Le dragon lui-même provient de la transformation d’un animal, voire d’un élément : la couleuvre shui hui (th?y h?y) se change en jiâo (giao), serpent quadrupède ou dragon à écailles au bout de 500 ans, le jiâo en chi long (ly long), dragon sans corne au bout de 1000 ans, le chi long an jiâo long (giác long) ou qiú long (c?u long) ou dragon à cornes au bout de 500 ans encore, et enfin le jiâo long en ying long (?ng long) au bout de 1000 ans de plus. La carpe qui a réussi à franchir la passe du Long mén à Hunan devient un dragon chi77. On croit même que l’or jaune âgé de 1000 ans donne naissance à un dragon jaune, l’or bleu âgé de 800 ans à un dragon bleu, et l’or rouge, blanc ou noir vieux de 1000 ans à un dragon de même couleur.
Le dragon ne résulte pas seulement d’une métamorphose, il peut tout simplement venir au monde sous la forme d’un œuf pondu par une maman dragon78. Car il existe des dragons des deux sexes qui se marient entre eux79 ou s’unissent à d’autres êtres vivants, même aux humains. Le mâle ondule plus et possède une queue fine alors que la femelle a une crinière plus fournie et une queue plus forte. A l’éclosion de l’œuf lequel a la consistance d’une pierre colorée, pluie et tonnerre font rage et le dragon sort sous la forme d’un petit serpent ou triton qui grandit et se métamorphose graduellement jusqu’à ce qu’il atteigne son aspect et sa taille normaux (~ 2m)80. Le dragon, divinité essentiellement atmosphérique, ne sort d’ordinaire de sa demeure que pour monter au ciel aux équinoxes de printemps : son souffle produit alors des nuages qui font tomber la pluie ; et s’il lui prend de sécréter l’orage, de ses griffes jaillit l’éclair tandis que sa voix tonne jusqu’au lointain. Quand il redescend du ciel aux environs de l’équinoxe d’automne, il s’enfonce dans la mer, les lacs, rivières ou puits, ou se cache dans les grottes près des montagnes ou collines. Comme l’homme dont il prend souvent les traits, le dragon éprouve des sentiments de haine et d’amour, de joie ou de colère, mais en gros c’est un être pacifique81 prêt à rendre service et à répondre positivement aux supplications de ses adorateurs. Parce qu’il est friand d’hirondelles82 et ne craint rien d’autre que le fer, le millet à panicules (yan mai, y?n m?ch, ou wang cao, cuong th?o), le mille-pattes, la feuille du melia azederach et le fil de soie à cinq couleurs83, on évite les étendues d’eau après un repas d’hirondelles de peur que l’arrière-goût de ces oiseaux ne l’attire, et on jette du fer84 ou un autre agent allergique dans l’endroit où il habite pour le menacer et l’inciter à provoquer la pluie.
Les dragons vivent longtemps mais ne sont pas immortels. Même morts, ils continuent à faire bénéficier les humains de leurs vertus ; leurs os (surtout ceux du dos et de la tête), dents et cornes servent à guérir toutes sortes de maladie s85, en particulier celles causées par le principe yin car le dragon incarne le principe yang, telles que la dysenterie, les calculs biliaires, les fièvres et convulsions des enfants, les troubles de la possession et de la femme enceinte, les douleurs et abcès, les hémorragies du nez et des oreilles, les pus sanguinolents et les hoquets. Ils empêchent la transpiration, l’étouffement, les ulcères et la paralysie des membres. Les dents se révèlent les plus efficaces dans la suppression des maladies affectant l’esprit vital : spasmes épileptiques, convulsions, folie. Les os du dragon vert de l’est annihilent toutes les maladies du viscère est, c’est-à-dire du foie. Ceux du dragon blanc contrôlent la tendance au sommeil et l’éjaculation du sperme. Pour préserver le caractère yang des os, on ne doit pas les faire ramasser par une femme. Ces os sont colorés, les meilleurs tant ceux qui présentent cinq couleurs différentes car ils correspondent aux cinq viscères86 et guérissent les maladies y attenant ; ensuite viennent les os blancs et jaunes, et en dernier lieu les os noirs. Ils ne doivent pas être striés de veines87 sales car ils seraient inutilisables. On peut les trouver dans les grottes et cours d’eau des provinces de Shanxi (pays de Jin, T?n), Sichuan, Hunan et Hubei (pays de Liang, Yi et Ba ; Luong, Ích, Ba), les meilleurs provenant de Yanzhou (Diên Châu) en Zhejiang, de Canzhou (Thuong Châu) en Hubei et en Taiyan (Thái Nguyên) au Shanxi. Leur authenticité est prouvée s’ils collent à la langue quand on les lèche. Pour être utilisés les os doivent être préparés de façon méticuleuse :d’abord cuire des plantes odorantes, ensuite baigner les os deux fois dans cette infusion bouillante, les réduire en poudre puis les mettre dans des sachets de gaze, prendre deux hirondelles, les éviscérer, y mettre les sachets de gaze et les pendre sur un puits, après une nuit ressortir les sachets, récupérer la poudre pour s’en servir seule ou mélangée à d’autres médicaments ; leur efficience, garantie divine88, peut être augmentée par l’adjonction du ginseng, autre produit yang. Naturellement, le dragon étant un animal mythique, les os dits de dragon en vente dans les pharmacies ne sont que des fossiles d’animaux préhistoriques ou simplement très anciens. Du moment que les ossements sont d’une taille notable et manifestement non humains, ce sont des restes de dragon.
Tout ce qui se rapporte au dragon est recherché. Même ses matières fécales se transforment en minerai précieux, au dire des Fons. Sa graisse rend la soie imperméable à l’eau. Sa salive89 constitue un parfum lequel, mélangé à d’autres comme le musc et le camphre, les lie pour un temps indéfini. Son souffle comme son sang dans la terre se changent en or et ambre, et les Japonais soutiennent même que les crachats du dragon pourpre deviennent des balles de pur cristal dont dérivent les gemmes. Cette croyance en des pierres précieuses crachées par le serpent-dragon est partagée par tous les peuples du monde : la déesse-serpent maya Ix Tub Tun, avatar de la nâgi Kubera, est « celle qui crache les pierres précieuses ». Elle doit être rattachée à la légende des « draconites », pierres porte-bonheur situées dans le cerveau, le front, le menton ou la gorge du dragon90, dont on retrouve la trace dans l’hypothèse actuelle d’un troisième œil doué d’une vue supra-normale sur la tête du dragon de Komodo. La vieille connivence entre le dragon et les gemmes provient non seulement de l’idée que l’animal s’occupe de la garde des trésors, mais aussi et surtout de son affinité avec les forces atmosphériques et fécondantes.
De tout temps, le culte du dragon et celui des pierres précieuses ont coexisté. La déesse-mère à laquelle était associée un serpent-dragon s’incarnait parfois dans une pierre : ainsi Cybèle la dame noire était adorée à Pessinonte (Phrygie) sous la forme d’une pierre conique noire. Des serpents-dragons étaient gravés sur les kudurrus ou pierres-bornes sumériennes et les hermès grecs. Les pierres dont la dureté et la permanence suscitent l’imagination sont censées respirer le fluide des astres et sont particulièrement vénérées quand elles descendent du ciel. Pierres dressées, mégalithes, bétyles91 et météorites étaient les insignes de la fertilité. Au Vietnam, à quelques exceptions près, le sexe des génies-pierres (th?n dá, th?n m?c, b?t) ét féminin, mais la pierre peut être masculine (linga, pierre-phallus) et le plus souvent androgyne. ces pierres ont leur vie propre comme la pierre de Fall en Irlande qui chantait pour le futur roi, devenait blanche si un innocent montait sur elle, transpirant le sang au contact d’une femme stérile et le lait à celui d’une femme bientôt enceinte ; elles saignent (b?t de Quán B?t à L? Th?y, Qu?ng Bình), poussent (b?t m?c de Ph? Li?u, Ðèo Ngang, Qu?ng Bình), crient (génie-pierre de la porte arrière du palais de Hu?) et même se reproduisent : Kumarbi le Chronos hurrite, supplanté par son fils Tesub, s’en vint à la mer féconder un rocher dont il eut un fils, le géant Ullikummi ; Yu le Grand ainsi que son fils naquirent d’une pierre. Comme au serpent-dragon, on demande à la pierre prospérité et fécondité. En Inde, les jeunes mariés s’adressent à la pierre pour avoir des enfants. Les Vietnamiens « vendent » les leurs à la pierre pour attirer sur eux sa protection. Les Européennes se glissent sur les pierres consacrées pour devenir enceintes. La pierre fixe l’esprit des ancêtres et bien de légendes racontent des histoires de personnage changé en pierre. Parce qu’ils viennent des régions célestes, les météorites participent aux actions sidérales. Les objets préhistoriques comme le silex, la hache de pierre et les pointes de flèche que l’on ramassait après la pluie (peut-être parce qu’après une forte pluie le terrain déblayé met facilement ces objets à nu) et qui étaient considérés comme des météorites tombant avec la foudre et par suite nommés « pierres de foudre », étaient spécialement révérés. A Rome, c’est un silex produisant l’étincelle qui représente Jupiter lapis. La plupart des dieux atmosphériques sont reproduits avec une hache qu’il y a lieu d’identifier avec la hache préhistorique. Pour les Chinois, ces objets sont lancés par le dragon céleste et les petites pierres qu’il crache ont la propriété d’éclairer une maison entière la nuit. Les peuples altaïques et bouriates ne croient-ils pas que la foudre est causée par le frottement de deux pierres tenues par le dragon ? Selon Li Shí Chen (Lý Th?i Tr?n- 15e siècle), c’est à partir des météorites ou bi léi zhen (t? lôi châm) que furent façonnées lé premières aiguilles d’acupuncture appelées bian shí (tiên th?ch) ou zhen shí (châm th?ch) qui bénéficiaient du pouvoir magique de la pierre de foudre ; ce ne fut que vers le 7e siècle que le fer et même la porcelaine remplacèrent la pierre dans la fabrication des aiguilles, les météorites se faisant rares ou introuvables92.
Aux pierres de foudre font pendant les pierres de pluie qui peuvent être des météorites possédant outre la force céleste la bienveillance de l’esprit des ancêtres qui y sont fixés, mais sont d’ordinaire des concrétions appelées béozards, formées dans la tête ou l’estomac des animaux93. Mongols et Turcs chérissent une pierre yada ou jada, laquelle plongée dans l’eau a le pouvoir de provoquer pendant neuf jours un temps de jada, c’est-à-dire de neige, de pluie ou de tempête94. Au Vietnam,le calcul de chien appelé aussi œil de dragon (ng?c chó ou trái nh?n) possède la propriété d’occasionner la pluie : un ministre du roi Thành Thái (1888-1908) dut emprunter deux fois à Louis Cadière95 cette pierre pour célébrer la cérémonie incantatoire de la pluie lors de laquelle elle était retournée plusieurs fois entre ses mains dans une cuvette d’eau,et le rituel à chaque fois eut un effet heureux à l’étonnement sceptique du religieux français.
De même que le dragon résulte de la divinisation du serpent, la pierre précieuse dérive d’une transmutation de la pierre simple et revêt à la perfection les qualités allouées à cette dernière. La vajra ou foudre d’Indra est aussi un diamant, symbole de la réalité absolue ; devenue vadchra chez les lamaïstes, cette pierre qui lance la foudre, dont la force surpasse l’éclair, est assimilée au vide et à la force masculine par le véhicule duquel on atteint le nirvâna, car venant du ciel elle connaît la voie qui y ramène96. Analogue à la vajra, une pierre tripartite accompagne le dragon chinois pour la première fois vers 171 avant J.C.97. Une tablette de 522 la désigne expressément comme tian lei (thiên lôi) ou tonnerre céleste. Avec le temps, elle prend la forme d’une pierre sphérique rouge toute simple, ou d’une balle de couleur rouge ou blanche avec un halo rouge que parcourt une flamme en ramure et du centre de laquelle pend un appendice noir, image pour le biologiste d’un spermatozoïde pénétrant une ovule, c’est-à-dire du yin et du yang, ou d’une boule spiralée rouge d’où émanent des langues de flamme, symbole du tonnerre et de l’éclair, ou encore d’une balle dans laquelle est inscrit soit le taiji (thái c?c), symbole métaphysique de la création et de la connaissance, soit le caractère du bonheur (fu) ou de la longévité (shou), félicités les plus appréciées du commun des mortels. Les Japonais appellent cette pierre du dragon hoju no tama ou joyau de l’omnipotence, vertu attribuée au joyau qui contrôle les vagues du dragon-roi98. Les bouddhistes la reconnaissent comme leur cintamani, l’un des sept joyaux sacrés symboles du Bouddha et de sa doctrine, qu’ils ont identifié avec l’ « om mani padme hum » ou joyau qui exauce tous les désirs, que gardaient les nâgas védiques99. la gemme du dragon, cristallisation de la beauté et de la luminosité, renferme la substance vitale de cette bête divine et par conséquent symbolise la vérité spirituelle (la connaissance exacte, la croyance exacte et la conduite exacte du jaïnisme). Elle constitue une panacée universelle contre tous les maux. Pour les taoïstes, l’homme peut acquérir par une pratique continue et fervente de l’austérité ce joyau de l’immortalité que l’on peut comparer à la pierre philosophale. Quelle que soit sa figuration, les Chinois transcrivent la balle du dragon par le caractère zhu (châu) = gemme sphérique100. Comme autrefois elle était parfois désignée par wan (ngo?n) qui veut dire perle de lune, on peut penser que la balle symbolise aussi l’astre de la nuit101 dont une particule, tombée sous forme de rosée dans l’huître béante, est devenue perle102. Foudre, gemme et lune103 concrétisent tous les symboles du dragon, génie aquatique et météorologique présidant à la vie biologique et intellectuelle, et il est tout naturel que la balle qui les figure devienne un attribut inséparable de cette divinité.
Parmi les pierres précieuses qui remplissent pour l’homme en mal de protection et de sécurité le rôle d’un élixir de vie et de porte-bonheur, le jade ou néphrite104, en particulier le jade vert, occupe une place à part.. Les Cro-Magnons des caves Grimaldi près de Menton connaissaient l’importance de la pierre verte105 qui de par la conformité de sa couleur avec celle de la végétation représente la vitalité, et mettaient des cailloux verts sous les dents de leurs morts. Pour assurer la survie des leurs, Chinois et Indiens de l’Amérique précolombienne les enterraient avec divers joyaux106 dont le plus apprécié est le jade car ce dernier exprime la force vitale. Le mot maya chalchiuitl pour jade ou joyau vert composé avec le mot atl = eau donne l’eau précieuse c’est-à-dire le sang, principe vital par excellence. Et la grande déesse-serpent Chalchiuhtlicue est la déesse du liquide précieux qui porte une robe garnie de pierres vertes. Pour les Chinois, le jade est le dépositaire du yang et à ce titre utilisé en médecine pour revigorer la virilité, faciliter la procréation, rappeler les mourants à la vie. Pour contrecarrer l’action putréfiante yin de la terre, ils ont pour coutume de mettre du jade à tous les orifices de leurs défunts en plus des jades placés autour du cadavre en hommage au Ciel, à la Terre et aux quatre régions de l’univers107. Parmi ces jades funéraires le bi et le gui, symboles du Ciel et du dragon de l’est, détenteurs du yang au plus haut point, ont la couleur verte. Aussi ancien que le bronze, le jade servait à la confection des armes et des objets rituels, des tablettes de commandement et articles de luxe. Parfois gardé comme pierre fétiche, il pouvait aussi être ingurgité comme boisson miraculeuse, le breuvage de jade yu ye (ng?c d?ch) possédant des qualités d’un élixir d’immortalité108 et de connaissance dont la recherche de la meilleure confection possible constituait la principale occupation des mages taoïstes. Pour Confucius, « le poli et le taillant du jade expriment la vertu d’humanité ; sa parfaite compacité et sa durée extrême représentent la sûreté de l’intelligence ; ses angles qui ne coupent pas bien, qui paraissent tranchants, symbolisent la justice ; les perles de jade qui pendent au chapeau et à la ceinture figurent le cérémonial ; le son pur et soutenu qu’il rend quand on le frappe et à la fin s’arrêtent brusquement est l’emblème de la musique , son éclat rappelle le Ciel, son admirable substance tirée des montagnes et des fleuves rappellent la Terre... »109. Synonyme de vertu et de perfection, le jade qualifie tout être ou objet rare et précieux à vertu sans pareille110. L’arbre de jade est un personnage dont le souvenir se perpétue pendant des siècles, la mer de jade désigne un recueil d’institutions anciennes, le lapin de jade évoque la lune et la balance de jade signifie Grande Ourse, la capitale impériale se dit capitale de jade et le Seigneur du ciel l’Empereur de jade. Quant au « dragon de jade », il représente la divinité omnisciente dont les enseignements infaillibles doivent être recueillis avec humilité et respect.
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