Déchets pharmaceutiques

Dans un reportage sur Haïti avant le retour d'Aristide diffusé il y a quelques semaines, les téléspectateurs français ont pu entendre une journaliste révoltée par le dénuement complet de la population s'indigner de voir des vendeurs à la sauvette proposer à la foule des passants des médicaments visiblement périmés. Si cette journaliste avait beau jeu de s'offusquer, il n'est pas interdit de penser que ces pauvres diables de vendeurs avaient quand même quelques circonstances atténuantes dans une situation oû chacun essayait de sauver sa peau.

Mais quand nous apprenons que de grandes entreprises pharmaceutiques françaises qui réalisent déjà de grands profits sur le marché intérieur en poussant outrageusement à la consommation par des publicités télévisuelles tapageuses, écoulent au Vietnam leurs stocks invendus de médicaments périmés au tiers de leur prix normal, devons-nous penser que ces vendeurs haïtiens sont des petits saints par rapport aux grosses industries, ou que tous les moyens sont bons pour équilibrer la balance de notre commerce extérieur ?

Même en tenant compte de la corruption ambiante en France, on peut s'étonner de l'impunité dont jouissent en France les sociétés pharmaceutiques qui commettent de tels forfaits sans même que les médias y trouvent matière à blâmer. La classe politique française qui tient à retoucher son image ternie par les "affaires" s'honorerait de dénoncer ce scandale qui nuit à l'honneur de la France et la dessert auprès de nos partenaires du tiers-monde.

Si passe encore que des capitalistes cupides cherchent à s'enrichir aux dépens des pauvres dans le besoin, quid des Vietnamiens qui mettent en danger leurs propres compatriotes en coopérant à ce honteux trafic ? L'appât du gain est-il si puissant qu'un régime qui se dit socialiste, défenseur du peuple et des travailleurs, laisse agir à leur guise les trafiquants de tout poil au détriment de la santé de sa population ?

Paris, 7/11/94

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