Braderie de la souveraineté

Ðang Phuong-Nghi

La teneur du traité de délimitation des frontières signé entre la Chine et le Viet Nam à la fin de l’an 2000 tenue jusqu’ici dans le plus grand secret vient d’être partiellement dévoilée via des fuites provoquées par quelques cadres révoltés à l’approche de sa prochaine ratification par l’Assemblée Nationale. Scandalisés, nous apprenons que sans la moindre nécessité vitale, Hà Nôi a cédé à Pékin par rapport aux frontières délimitées par la convention franco-chinoise de 1887 toujours en vigueur une bonne portion du territoire national, plus de 750 Km2 de kilomètres de terres frontalières (accord de décembre 1999) et de milliers de km2 d’eaux territoriales (accord de décembre 2000). Dans une lettre de protestation rendue publique sur Internet, Ðô Viêt Son un membre chevronné du parti outré par l’indigne braderie de la souveraineté nationale appelle les représentants du peuple à rejeter ce traité aussi honteux qu’illégitime signé sous Lê Kha Phiêu débarqué justement pour gestion opaque et calamiteuse.

Les concessions semblent entériner un état de fait résultant du grignotage des provinces septentrionales du Viet Nam par des colonies chinoises et du déploiement des navires de guerre chinois en Mer orientale. Forts de leur supériorité numérique et de leur puissance militaire, les Chinois n’ont attendu ni le traité, ni sa ratification pour annexer les territoires occupés. C’est ainsi que des touristes vietnamiens venus visiter la porte historique du Viet Nam (Ai Nam Quan), ont eu la surprise de s’entendre dire qu’elle se trouve bien plus loin à l’intérieur des terres chinoises ! Dans le golfe du Tonkin non loin des côtes vietnamiennes, patrouillent en permanence des croiseurs chinois, et sur une carte diffusée sur la toile par des opposants on peut voir que la Chine s’est arrogée les deux tiers des eaux du golfe, repoussant la frontière maritime avec le Viet nam de façon à englober les zones les plus riches en minerais ! Par ailleurs, les îles Spratley et Paracels, dont des documents historiques attestent l’appartenance au Viet Nam, ont été en grande partie prises d’assaut par la marine chinoise, dont l’ardeur n’a pas été tempérée que par la subite convoitise d’autres pays de la région.

Face à l’invasion insidieuse du pays par la Chine, au lieu de protester énergiquement et de poursuivre l’envahisseuse devant les tribunaux internationaux, les autocrates de Hà Nôi se sont aplatis autant par crainte du grand frère que par complicité avec un régime de même nature que le leur. Quand on sait l’attachement jaloux des Vietnamiens à la terre des ancêtres, leur acharnement à défendre l’indépendance nationale, leur histoire mouvementée semée de guerres inégales et pourtant victorieuses contre le géant nordiste toujours prêt à les phagocyter, la reddition au diktat chinois par les dirigeants actuels est une monumentale trahison, dont seuls quelques personnages voués aux gémonies se sont rendus coupables dans le passé.

Certes plaintes et revendications ne pousseront guère la Chine à renoncer à ses visées expansionnistes, mais auront au moins laissé intact le droit (théorique) du Viet Nam sur ses eaux et terres frontalières, qu’un gouvernement plus fort dans de circonstances favorables pourra récupérer. Alors que consentir officiellement et de plein gré à la spoliation, c’est s’interdire toute réclamation ultérieure. L’expérience montre en outre que la lâcheté devant la force brutale loin d’arrêter son déploiement ne l’incite que plus à s’exercer. Ainsi à peine satisfaite des concessions territoriales du Viet Nam, la Chine pense-t-elle déjà à le soumettre économiquement. Comme si la production vietnamienne n’est pas assez asphyxiée par les 60 % de produits importés d’origine chinoise, Pékin fait pression sur Hà Nôi pour accroître les échanges entre les deux pays, de sorte qu’ils atteignent 5 milliards en 2005 !

La triste ironie pour le Viet Nam est que le parti coupable de haute trahison s’était emparé du pouvoir en se faisant passer pour patriote et en traitant ses adversaires de vendus. Mais les pires vendus de l’histoire vietnamienne n’ont jamais porté atteinte à l’intégrité du territoire national au profit de l’étranger en situation de paix, sans qu’une grande défaite militaire ne les y contraigne. Peut être les traîtres excusent-ils leur acte par le climat de platitude générale vis-à-vis du céleste empire : comment le petit Viet Nam peut-il résister, quand de riches et grands pays comme ceux d’Occident se laissent intimider par l’appétit de puissance de l’ogre asiatique au développement duquel ils contribuent avec leurs investissements ? Devançant comme à son habitude les désirs de Pékin, Paris ne vient-il pas de refuser le visa d’entrée au président élu taiwanais pourtant invité par le Parlement de Strasbourg ?

ÐPN

Tin Tuc novembre 2001

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