Bouddhistes sous répression

La fin de l'année 1994 au Vietnam a été marquée par une recrudescence de la répression anti-bouddhiste de la part des autorités communistes. Culminant avec l'arrestation, la veille du jour de l'an, du Vénérable Thích Huy?n Quang, le bras de fer qui oppose l'Eglise bouddhiste unifiée et le gouvernement dévoile autant la férocité du régime que son désarroi. Du temps du marxisme-léninisme triomphant, le pouvoir communiste pouvait non seulement s'absoudre mais encore se glorifier des pires atrocités grâce à la manipulation idéologique ; maître dans l'art de la propagande et de la langue de bois, il s'arrangeait toujours pour se donner le beau rôle et jouer à la victime alors qu'il brandissait l'arme du bourreau.

Depuis l'éclatement de l'idéologie et la politique d'"ouverture", coincé entre son désir de respectabilité aux yeux de l'opinion étrangère qui l'oblige à justifier les arrestations arbitraires, et sa peur de l'influence grandissante de l'EBU, l'unique organisation osant contester sa légitimité, Hanoi multiplie les faux pas à force de manœuvres. Le dernier en date étant la désignation au châtiment d'un crime inédit : celui d'aider les démunis "en organisant de son propre chef une mission de secours aux victimes des récentes inondations dans le delta du Mékong" (AFP du 13/11, Tin Tuc n°32). Même si l'acte d'accusation est assorti d'un procès d'intention "de détruire la religion et la solidarité nationale", la rafle brutale les 5-6/11 de nombreux religieux bouddhistes pour cause d'assistance humanitaire ne manque pas de soulever révolte et perplexité chez tout observateur, sympathisant ou non du bouddhisme.

Faut-il que le régime soit bien cynique ou sur la défensive pour être acculé à une telle maladresse! La répression, loin de museler l'Eglise bouddhiste unifiée, la conforte dans ses positions tout en l'auréolant du prestige des martyrs, et risque d'aboutir à ce que le régime redoute si fort : la popularité de l'EBU et le triomphe de ses exigences libérales, portées par la vague de retour aux valeurs ancestrales et religieuses qui saisit la population déboussolée.
5/1/1995

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